Volume d'une boule en dimension n

 

1. Volumes                              2. Surfaces                       3. Répartition dans des tranches
4. Répartition dans des coquilles                                             5. Interprétation physique

Nous avons rencontré deux outils intéressants dans le livre: au chapitre Intégration les intégrales de Wallis, au chapitre Probabilités la méthode de Monte-Carlo. Nous allons étudier le comportement des boules en dimension quelconque : vous direz qu'on ne risque pas trop de passer dans un espace de dimension supérieure à 4, mais les physiciens utilisent en permanence des espaces des phases de dimensions gigantesques (pour une particule on a 3 coordonnées de position et 3 coordonnées de vitesse, soit pour une mole de gaz un espace de dimension environ 1024). Par ailleurs certaines propriétés de ces boules justifient à elles seules l'hypothèse ergodique de Boltzmann et Maxwell.

                                                               
James Clerk Maxwell                                                        Ludwig Boltzmann

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1. Volumes                                                                                                 début

Nous nous intéressons ici à quelques propriétés des boules en dimension n : volume, surface, structure du volume. Cherchons tout d’abord le volume.

Considérons les premières demi-boules :

n = 1 (segment) :

n = 2 (cercle) :

n = 3 (sphère) :

Nous pouvons nous dire qu’il existe une suite  telle que

,

nous cherchons alors une relation de récurrence entre les  en utilisant le calcul intégral. Prenons les coordonnées  et écrivons l’intégrale de volume

ù l’intégrale est multiple, les bornes changeant bien sûr suivant les . Au rang suivant on a

;

d’une manière générale on a

 ;

si on pose alors

tous ces termes deviennent

ce qui fait que l’intégrale

vaut en fait le volume . Nous avons donc la relation

.

Faisons intervenir notre hypothèse de récurrence, à savoir que

,

nous avons alors

;

il nous reste à utiliser la méthode vue dans les intégrales de Wallis en posant  ce qui nous donne

.

On trouve donc le double de l’intégrale de Wallis  du fait de la symétrie du sinus et

,

soit

.

Comme  prend deux formes différentes suivant que n est pair ou impair regardons ces deux cas. Heureusement nous avons trouvé que

soit

;

il nous reste à regrouper les intégrales deux à deux en faisant attention à la parité :

n pair :

d’où nous tirons

( est le volume de la boule complète).

n impair :

et finalement

Vous pouvez vérifier avec n = 3, ce qui donne p = 2 et le résultat bien connu. On peut exprimer le résultat en général avec la fonction gamma sous la forme

après s’être rappelé que

.

Le maximum pour R = 1 est atteint pour n = 5,2556… (faire le calcul en dérivant par rapport à n) ; quand n devient grand le volume devient nul (il semble un peu délicat quand même de considérer qu’une boule de rayon 1 en dimension supérieure a un volume qui devient nul ou quasiment quand le nombre de dimensions augmente…)

2. Surfaces                                                                                                 début

Pour la surface, une fois le calcul du volume fait c’est plus facile : notre volume peut être considéré comme la somme d’une infinité de petites couches hypersphèriques incluses les unes dans les autres chacune ayant un volume  ; nous avons donc

d’où en dérivant :

.

Le maximum est alors obtenu pour n = 7,25695…

Pour la démonstration on peut d’ailleurs partir de la surface pour trouver le volume (voir Eric Weisstein, http://mathworld.wolfram.com/Hypersphere.html).

3. Répartition des points dans des tranches                                                   début

Une autre question intéressante est de regarder comment se répartissent les points à l’intérieur de la boule ; prenons l’exemple du cercle : quelle est la proportion de points situés dans une bande de largeur 2h autour du diamètre ?

Quelle est la proportion de points à l’intérieur de la bande par rapport au total des points du cercle ? Prenons un cercle de rayon 1, il faut calculer l’aire de la bande et la rapporter à l’aire totale : cette aire comprend quatre fois la part de camembert BOC d’aire  et quatre triangles d’aires

.

On a donc l’aire totale de la bande :

et notre proportion est

.

On voit bien ce qui se passe : à mi hauteur la bande contient plus de 80 % des points à l’intérieur du cercle…

En dimension supérieure le raisonnement est tout à fait semblable mais en utilisant le calcul intégral : nous devons sommer tous les segments (uv) entre -h et h ; en dimension 3 nous sommerons des disques et dans l’hyperespace nous sommerons des hypersurfaces :

en dimension 2 :

et on a pour h entre 0 et 1 :

;

en dimension 3 : l’aire du disque est

et on a

;

en dimension n : le volume de l’hypersphère de dimension - 1 et de rayon

est 

d’où

.

On peut transformer l’intégrale, mais ce n’est pas très utile ; numériquement voici ce qu’on obtient avec les valeurs 1, 5, 10, 15, 20, 30, 40, 50, 100 et 200 pour n (n = 1 est la droite à droite de la figure, n = 200 est la première courbe à gauche ; par exemple pour n = 200, à 10 % de la hauteur on a 80 % des points dans la bande). Ce résultat est dû au comportement de la fonction

qui a tendance à se coucher de plus en plus sur l’axe horizontal ; figure suivante :

.

Conclusion de ceci : la plupart des points de l’hypersphère vont être dans une « hyperbande » centrée autour de l’équateur pour n suffisamment grand.

4. Répartition des points dans des coquilles                                                début

On peut refaire le même genre d’étude sur des coquilles hypersphériques : nous prenons deux hypersphères de même centre O, de rayons respectifs R et ; quelle est en fonction de a et de n la proportion de points dans l’hypercouche d’épaisseur a ? La réponse est immédiate :

qui tend évidemment vers 1 lorsque n tend vers l’infini comme on peut le voir sur la figure suivante (n varie de 2, courbe de droite, à 42, courbe de gauche) : l’apparition des points dans l’hypercoquille est nettement plus rapide que dans le cas précédent.

Peut-on combiner les deux approches en regardant la proportion de points situés à l’intersection des deux ensembles précédents : hyperbande et hypercoquille ? Si on raisonne par exemple dans l’espace usuel il faut intersecter une tranche de sphère et une coquille, ce qui donne grosso-modo un tore de grand rayon R et de petit rayon a/2 ; son volume est alors

;

rapporté à la sphère on a la proportion

.

Dans le cas n on aura un hypertore de volume

,

ce qui rapporté au volume de l’hypersphère donne

qui tend vers 0 à l’infini. Conclusion de tout ça : les points vont rester sur l’hypercoquille en grande majorité, avec néanmoins un léger tassement sur l’équateur.

5. Interprétation physique                                                                         début

Interprétons physiquement ces considérations : en physique statistique on utilise fréquemment l’espace des phases comprenant comme dimensions les six coordonnées de position et de vitesse de chaque particule ; lorsque celles-ci sont en très grand nombre l’espace des phases a énormément de dimensions. Supposons que nous mesurions la vitesse de chacune des n particules : la moyenne V de ces vitesses donnera une mesure macroscopique comme la température ou la pression (liées à la vitesse) ; reportons cette mesure sur chacun des axes d’un espace à n dimensions : les points considérés seront approximativement sur une coquille de rayon V et d’épaisseur  (voir ch. 13) ; on peut également considérer que les vitesses vont se répartir dans une sphère de rayon inférieur ou égal à la plus grande mesure obtenue , mais comme les points se retrouveront quasiment à la surface, la plupart des vitesses seront environ  qui sera en fait la vitesse moyenne : nous retrouvons-là l’hypothèse ergodique de Boltzmann et Maxwell.

Pour plus de choses, voir par exemple les ouvrages suivants  (ordre de lecture conseillé) :

 

Thermodynamique et Mécanique statistique, Walter Greiner, Ludwig Neise, Horst Stöcker, Springer Verlag, 1999.

Thermodynamique, Ilya Prigogine, Dilip Kondepudi, Odile Jacob, 1999.

Invariances d’échelle, Michel Lagües, Annick Lesne, Belin, 2003.

 

La Sphère, Numéro spécial Pour La Science, Octobre/Décembre 2003.

Géométrie, Tomes 1 et 2, Marcel Berger, Nathan, 1990.