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Fonctions d’une variable complexe

 

4. Séries et produits de fonctions

4-1 : Le prolongement analytique (analytic continuation in english, Fortsetzung in deutsch)

4-2 : Principe du maximum

4-3 : Sinus comme produit infini

4-4 : Produits infinis

4-5 : Les produits de Weierstrass

4-6 : Ordre d’une fonction

 

 

4. Séries et produits de fonctions

4-1 :  Le prolongement analytique (analytic continuation in english, Fortsetzung in deutsch)

L’idée générale et extrêmement puissante du prolongement analytique est que si pour une fonction analytique f de domaine (ouvert connexe) U il existe une fonction analytique g de domaine V (également ouvert connexe) avec  et que f = g sur U alors f est analytique sur V.

Ceci autorise évidemment à définir f sur un domaine plus grand que ce que l’on pourrait attendre initialement : par exemple on définit facilement cos z sur , par prolongement on peut alors étendre sa définition à  entier (avec le même développement de Taylor bien sûr).

La démonstration peut être relativement pénible (voir par exemple H. Cartan), nous allons essayer d’en donner une « relativement facile ». La démarche est la suivante :

* on montre d’abord que si une fonction analytique f a un zéro  d’ordre m, alors il existe g telle que , g analytique et ne s’annulant pas en   ;

* dans un deuxième temps on en déduit que si f est analytique dans U, alors tout compact Ω de U ne contient qu’un nombre fini de zéros de f ;

* enfin, si deux fonctions analytiques f et g sont égales sur U, leur différence h = f − g s’annule une infinité de fois sur U, cette différence est donc partout nulle, particulièrement sur le domaine V de g, d’où f = g sur V.

En fait tout ceci est lié à la « rigidité » des fonctions holomorphes dans le sens où la modification d’une telle fonction en un point entraîne sa modification partout (ce n’est pas un hasard si les fonctions holomorphes sont harmoniques : elles réagissent en fait comme des cordes).

Etape 1 f est analytique donc  où  avec  ; g est donc analytique en  et continue dans U.

Comme g est continue dans U il y aura un disque D0 centré en a (on peut prendre ce qu’on veut à la place de 1/2, l’essentiel étant que  peut prendre toutes les valeurs entre 0 et  ).

Par ailleurs on a l’inégalité  qui appliquée ici donne

.

Conclusion, g ne s’annule pas.

Etape 2  Principe des zéros isolés.

Soit f analytique dans un voisinage U de  ; s’il existe dans U une suite zn telle que  et  pour tout n entier, alors f est nulle sur U.

f étant continue on a évidemment  ;  n’est donc pas un zéro isolé ; en utilisant Taylor sur f, on a . Si f n’était pas nulle il existerait une valeur m de k pour laquelle   et  pour k < m.  On aurait donc  avec  ; or f s’annule une infinité de fois, il y a donc contradiction.

Etape 3   Principe d’identité des fonctions holomorphes.

Soient f et g deux fonctions holomorphes dans un domaine U de  alors

* Si  pour tout entier n et pour un point  de U, alors f = g.

* Si  pour tout entier n et pour une suite de nombres distincts zn dans U ayant un point d’accumulation  dans U, alors f = g.

Les deux propositions sont équivalentes, la démonstration est immédiate en appliquant le principe des zéros isolés à la fonction f − g.

- Principe du prolongement analytique ou théorème de monodromie.

Nous énonçons le théorème sous une forme simple (il en existe des plus compliquées et plus générales…) :

 

Soient f et g deux fonctions analytiques dans un domaine (ouvert connexe) V de  ; s’il existe un ouvert U inclus dans V tel que  pour tout z de U, alors  pour tout z de V.

 

Comme on le voit sur la figure suivante il faut montrer que pour un chemin allant de a (dans U et avec f(a) = g(a)) à b (dans V), alors f(b) = g(b) ; comme V est connexe, un tel chemin (allant de a à b) existe et est défini par une fonction continue g :  avec g(0) = a, g(1) = b.

Il faut donc montrer que l’ensemble  est justement [0 ; 1]. Il est clair que I n’est pas vide ; soit s sa borne supérieure (i.e. le plus petit de tous les majorants possibles de t, t dans ; s n’est pas forcément dans I), il existe une suite (tn) de points de I tendant vers s et tels que  d’où en passant à la limite et grâce à la continuité de f et g, . Conclusion s est dans I.

Maintenant pour justifier que f(b) = g(b), il faut montrer que s = 1 ; supposons que ce ne soit pas le cas et appelons c l’image de s par g.

Il existe alors un disque ouvert D(cr) inclus dans V, de rayon r non nul, où f(z) et g(z) sont représentées par des séries entières convergentes, f et g étant égales sur la partie de D dans U, soit  ; ici intervient le principe des zéros isolés : puisque f − g = 0 pour une infinité de valeurs de t, f − g = 0 pour toutes les valeurs de t correspondant aux points dans D et particulièrement dans la partie de D dans V : . Ceci signifie que s n’est plus la borne supérieure de I, ce qui est contradictoire et s = 1.

 

Quelques exemples et contre-exemples :

- On prend la fonction  et la fonction  avec  ; g est la somme d’une suite géométrique qui converge dans la boule unité et de somme f(z) dans cette boule. En fait f est le prolongement analytique de g en dehors de cette boule !

- Dans l’exemple suivant ça ne marche pas :  converge à l’intérieur de la boule unité, mais il est immédiat que si ,  ; le point 1 est une singularité de ; de même comme , lorsque ,  et donc les points 1 et −1 sont des singularités de f, le même raisonnement peut être tenu pour toutes les puissances de z de la forme  ; les points z correspondants sont sur le cercle  et il est impossible de trouver un arc aussi petit que l’on veut où un de ces points ne soit pas. Le prolongement ne peut donc se faire.

- Prenons la série  ; la somme de ses n+1 premiers termes est . La série converge pour toutes les valeurs de z, 0 excepté, mais pas sur le cercle . Mais lorsque n tend vers ,   tend vers 0 ou  suivant que z est à l’intérieur ou à l’extérieur du cercle. Par conséquent  tend vers z à l’intérieur, vers 1/z à l’extérieur et représente deux fonctions totalement distinctes. Il n’est alors pas question de prolongement.

- Pour quelques exemples de prolongement, voir les articles sur la fonction Gamma et la fonction Zêta.

4-2 :  Principe du maximum

Nous avons vu plus haut la formule de la moyenne , nous en déduisons un théorème important connu sous le nom de principe du maximum :

 

Soit f, holomorphe non constante dans un domaine D de , alors la fonction , z dans D, ne peut avoir de maximum relatif dans D.

 

Supposons le contraire : a est un maximum relatif pour , alors il existe un disque ouvert de centre a, de rayon r tel que  pour  ; on peut supposer que f(a) n’est pas nul, sinon f serait nulle pour tout z et f serait constante dans D (principe des zéros isolés). Posons  , alors  et  pour  ; appliquons la formule de la moyenne à g :

.

D’un côté on a , , et en posant , on a  et  ; h est alors nulle dans  d’où . On a donc finalement , pour , soit  sur le cercle  et donc également dans le disque. f est alors constante dans D, ce qui est contradictoire.

Une interprétation géométrique simple est que lorsque f est holomorphe, elle est harmonique (i.e. son laplacien, , est nul partout) , si on a un maximum local, alors f a la forme d’un bol à cet endroit et on aura   ainsi que  donc le laplacien ne s’annulera pas à cet endroit. Même raisonnement si on a un maximum : le bol est renversé. Pour que , il faut que  et  soient de signes opposés, et donc que f ait la forme d’une selle (ou d’une chips), situation où il n’y a pas d’extremum. Une conséquence importante de tout ça est que , non constante, ne peut être infinie partout et atteindra son maximum (dans un domaine borné) sur le bord de ce domaine.

 

Le principe du maximum fournit le principe du minimum : f holomorphe non constante,  possède un minimum relatif en a si et seulement si f(a) = 0.

 

Si  a un minimum alors  a un maximum et la démonstration découle du théorème précédent.

On a également le résultat suivant : soit f, continue dans un domaine borné D de  sauf peut-être au bord, holomorphe dans D, alors

* ou bien f est nulle pour un a de D

* ou bien il existe b sur le bord de D qui est le minimum de f.

 

Une consquence amusante de ce théorème est qu’une équation polynomiale  a au moins une racine dans  si le degré de P est supérieur ou égal à 1 (théorème fondamental de l’Algèbre) : lorsque , , donc  ne peut être atteint sur  le bord  lorsque R est grand ; on a donc un a tel que  tel que .

4-3 :  Sinus comme produit infini

Euler s’était fait plusieurs remarques :

- sin x a pour zéros les nombres de la forme kp avec k entier relatif ;

- si un polynôme unitaire (le coefficient de xn est 1)  a n racines ai alors :  d’où  a n racines  et s’écrit  ;

il considère alors  comme un polynôme… :

d’où avec les remarques précédentes :

qui donne des résultats plutôt satisfaisants comme le montre la figure ci-dessous.

fig. 1 : convergence du produit infini de sinx (n=20)

On constate également que si

alors  est la somme des racines,  la somme des produits de deux racines, etc.

Finalement il utilise ceci pour calculer la somme des racines

et en tire le résultat que tous cherchaient depuis au moins un siècle (c’est le problème de Bâle) :

.

L’argument de considérer  comme un polynôme ne le satisfaisait quand même pas, aussi passant par un autre biais et utilisant le fait que , il écrit que

  (1)

et développe en utilisant la factorisation , ce qui donne en posant N=(n – 1)/2 :

Maintenant considérons que  est petit, remplaçons  par  et factorisons tous les termes , nous obtenons alors :

.

Si on développe (1) bêtement, le premier terme est , donc notre énorme coefficient devant vaut 1 (à la limite évidemment) ! Et à l’intérieur du produit le terme x2/n2 tend vers 0 très vite ; Euler conclut donc à la convergence du produit infini de manière douteuse mais efficace.


fig. 2 : comparaison entre la série et le produit de sinx (k=15).

 

4-4 :  Produits infinis

Nous avons un peu abandonné nos fonctions analytiques, mais nous y revenons maintenant pour retrouver le résultat d’Euler.

Pour ce faire nous devons au préalable nous demander comment caractériser la convergence d’un produit infini… L’idée est bien sûr de considérer le logarithme du produit (détermination principale de ln) et de transformer le produit en série.

Pour les séries de fonctions holomorphes la convergence uniforme est similaire à ce qui se passe dans , nous gardons donc les mêmes définitions. Pour les fonctions méromorphes ça se complique un peu du fait de l’existence de pôles, aussi on va carrément les enlever dans la mesure où le nombre de leurs termes contribuant à la série est forcément fini.

On dira donc qu’une série de fonctions méromorphes  converge normalement (la série peut être majorée par une série convergente à termes constants positifs, souvent une série géométrique) (resp. uniformémént) sur un ouvert U si on peut lui enlever un nombre fini de termes de sorte que la série restante n’ait pas de pôle sur U et converge normalement (resp. uniformément) sur U.

 

Intéressons nous « par exemple » à la série  en prenant une bande verticale  ; une telle bande contient un nombre limité d’entiers ; dans la série partielle  chaque terme est majoré par  et dans la série partielle  chaque terme est majoré par  ; par conséquent en enlevant les termes situés à l’intérieur de la bande il reste une série de fonctions holomorphes qui converge normalement vers une fonction f(z) dans la bande.

Nous avons alors les propriétés :

* f est de période 1 :

 ;

* les pôles sont tous les entiers et ils sont doubles ; le résidu en un pôle n0 est nul puisque  (pas de coefficient c–1 et g holomorphe).

Cherchons une fonction qui corresponde… une fonction avec période 1 : ça fait du monde ; qui s’annule pour les entiers : elle est au dénominateur ; elle s’annule deux fois : elle est au carré, un bon candidat est alors  ; du fait de la périodicité regardons simplement ce qui se passe en 0 :

On a bien un pôle double, mais il faut faire disparaître , on prend donc

qui marche mieux.

Nous allons regarder comment se comporte  : reprenons une bande de largeur au moins 1 qui contiendra un pôle, par exemple autour de 0 ; les parties de chaque fonction en 1/z2 s’annulent dans  qui est donc holomorphe dans la bande ; si on fait tendre la partie imaginaire de z vers l’infini, tous les termes de f tendent vers 0 indépendamment de n, f devient donc nulle ; de même dans  qui devient nulle,

pour le montrer on utilise la relation que vous pouvez démontrer :

par conséquent  est nulle à l’infini et grâce au théorème de Liouville  est constante sur  ; comme  est nulle à l’infini cette constante est 0 et les deux fonctions sont égales.

Finalement on obtient ce résultat très intéressant que :

.

La deuxième égalité étant obtenue par parité. Utilisons ce résultat pour quelques bricoles :

* si on passe à la limite quand z tend vers 0, on a grâce au développement précédent :

d’où le résultat d’Euler (et vous pouvez en trouver plein d’autres histoire d’épater vos amis pendant les longues veillées d’hiver…).

* Remarquons que  est la dérivée de  et qu’une primitive de  est  ; on a donc

,

mais pour z tendant vers 0,  tend vers 0, aussi devons nous annuler le terme  ce que nous obtenons facilement en rentrant 1/n dans la somme :

.

Si on réécrit ceci dans , on a

* Maintenant faisons l’opération contraire, dérivons…

,

d’où

.

Repassons à la limite quand z tend vers 0 ; le terme de gauche tend vers 0 alors que celui de droite tend vers  ce qui est quand même « un peu » génant.

Regardons d’un peu plus près le comportement de la série en traçant sur une période de 1 :

fig. 3 : somme des , Re(z) dans [1 ; 2] ; Im(z) dans [0,01 ; 2].

On voit apparaître une double périodicité : 1 sur les x, ce qui est normal, mais également une période w sur les y, laquelle période dépend en fait de l’intervalle sur lequel on trace y. Les courbes obtenues sont également instructives car elles montrent le comportement de la série.

fig. 4 : Re(z) dans [0,001 ; 1] et Im(z) dans [0,001 ; 0,002].

En fait le phénomène suivant se produit : quand x=Re(z) et y=Im(z) tendent vers 0, x se comporte à peu près gentiment, prenant des valeurs infinies au bout de sa période 1 et tendant vers une limite finie vers 0 (particulièrement  ), par contre la période de y se contracte et y prend des valeurs infinies sur n’importe quel intervalle [u ; u’] où u et u’ tendent vers 0. On pourrait se dire qu’en isolant les parties réelles et imaginaires de

on devrait pouvoir se débarrasser du problème y, mais en fait les deux parties, réelle et imaginaire, sont profondément imbriquées l’une dans l’autre et interdisent à priori de faire varier l’une sans l’autre.

 

Avant de continuer revenons sur les produits infinis en généralisant :

On dira qu’un produit infini de fonctions  continues dans un ouvert U converge normalement sur un compact K de U si les deux conditions suivantes sont remplies :

      (i)  uniformément sur K, donc pour n assez grand  et  existe ;

      (ii) la série de terme général  converge normalement sur K.

Si on pose , la condition (ii) revient à dire que le produit  converge vers f si et seulement si  converge.

Sous ces conditions, la continuité et l’holomorphie sont conservées par le produit ; de plus la série de fonctions méromorphes  converge vers  qui est la dérivée logarithmique de f.

Reprenons donc le produit infini de sin :

 ;

les fonctions fk sont  et , soit une série de Riemann qui converge sur tout compact de . f est donc holomorphe, ses pôles sont tous les entiers, sa dérivée logarithmique est

dont nous avons vu que c’était

 ;

par conséquent  d’où , soit

 ;

le membre de gauche tend vers 1 quand z tend vers 0, celui de droite vers p c, d’où  et

4-5 :  Les produits de Weierstrass

Lorsqu’on dispose d’un polynôme , il est clair que ce dernier peut s’écrire  où les  sont les zéros de P (en tenant compte de leur multiplicité). Comme on l’a vu précédemment l’idée est donc de considérer une fonction f possédant une infinité de zéros et de la mettre sous la forme  où K ne s’annule pas ; comme va intervenir la dérivée logarithmique et donc , on a tout intérêt à prendre  et donc à écrire f sous la forme  ; si 0 est un zéro de f de multiplicité m, on modifie légèrement la formule en

.

Malheureusement rien ne dit que le produit infini soit convergent (par exemple  diverge gentiment) ; Weierstrass a donc eu l’idée de remplacer les termes  par les quantités  où

 avec .

Ces quantités sont les facteurs primaires de Weierstrass : on a évidemment  si et seulement si , soit  pour  ; par ailleurs en choisissant l’entier  assez grand, on assure la convergence de .

Le théorème est alors le suivant (Weierstrass, 1876) :

 

Soit  une suite de complexes non nuls telle que  si la suite est infinie, alors il existe une suite de nombres entiers positifs,  telle que  définit une fonction analytique W.

Le produit est absolument convergent ; il l’est uniformément dans tout disque fermé :    pour tout R, .

Soit f une fonction analytique quelconque, il existe un entier k et une fonction analytique g tels que  pour tout z complexe .

 

Allons y pour une démonstration :

Montrons tout d’abord un résultat préliminaire :  si , on a  et

.

Prenons  et , alors  ; on en déduit que

               (1)

grâce aux inégalités élémentaires suivantes :

 si  et  si .

Lorsque p = 0, l’inégalité précédente est évidente.

Ordonnons les zéros non nuls de f de sorte que  Posons  et considérons le seul cas problématique où la suite est infinie et  : soit , telle que  pour tout  (par exemple  est un choix possible car à partir d’un certain rang N(r), on aura , soit  et la somme C sera finie).

Posons maintenant  et  ; à partir d’un certain rang N(R), , on a  et  si  d’où grâce à (1) :  si .

Par conséquent  , ce qui prouve les diverses convergences.

Le reste se déduit aisément des prolégomènes.

 

Un corollaire intéressant est que toute fonction méromorphe peut s’écrire comme quotient de deux fonctions holomorphes : .

Supposons f méromorphe non holomorphe ; si f n’a pas de zéros, 1/f est holomorphe et il suffit de prendre ,  ; si f a des zéros, soit g une fonction holomorphe ayant exactement les mêmes zéros que f (par exemple W), alors  est méromorphe sans zéros et on prend  qui est holomorphe.

4-6 :  Ordre d’une fonction

On pourrait penser que l’écriture d’une fonction sous forme de produit infini est un bon substitut à l’écriture sous forme de série, malheureusement, un peu comme pour les fractions continues, cette écriture n’est pas unique : la donnée des  n’est pas suffisante et il faut leur adjoindre les  qui peuvent être choisis d’une infinité de manières, chaque choix donnant une fonction W différente.

Reprenons néanmoins l’exemple de  dont les zéros non nuls sont  : la fonction W est  qui est en fait le produit des fonctions , , deux produits complètement divergents… il faut donc dans chaque fonction introduire des termes permettant de rendre convergents ces produits, en l’occurrence on utilise les décompositions de Hadamard (1893) :  dont le produit redonne bien W.

Cette décomposition est possible ici car le choix de W pour exprimer  peut se faire sans ambiguïté car c’est une fonction d’ordre fini : si f est une fonction entière et M(r) le maximum de  pour  (et donc pour  ), M(r) est une fonction croissante de r qui croît plus vite que toute puissance de r (th. de Liouville). On classe alors les fonctions d’après la rapidité de croissance de leur module maximum en comparant M(r) à une exponentielle  ou encore  avec  ou encore  avec . Donnons les deux définitions équivalentes :

- l’ordre d’une fonction entière est le plus petit nombre  tel qu’il existe r > 0 et que  pour tous les z tels que  ; c’est également . L’ordre peut être nul, fini positif ou infini. On a à partir d’un r0 ,

pour  suffisamment petit, et il existe des r aussi grands que l’on veut pour lesquels

pour  tel que . Lorsque ces deux inégalités sont vérifiées (la première à partir d’une valeur de r, la deuxième pour des r arbitrairement grands), l’ordre de f est .

Par exemple  est tel que  donc son ordre est au plus 1, et  si , donc son ordre est 1.

- si f est une fonction entière d’ordre  et les  les zéros de f alors le rang p de f est le plus petit entier positif tel que  ;

- le produit canonique de Weierstrass est alors  où g est un polynôme de degré  ;

- le genre de f est alors le plus grand des deux nombres p et q.

Le lecteur intéressé pourra consulter [Val] pp 425 et sq.

Par exemple  est d’ordre 1. Un autre exemple, particulièrement intéressant est celui de la fonction zêta de Riemann,  :

 est un zéro non trivial de  et  la constante d’Euler (résultat dû à Hadamard).

Un des résultats les plus intéressants de cette question d’ordre est que si f est d’ordre  fini

* f s’écrit  où p est un entier au plus égal à ,

* la fonction g dans cette écriture est un polynôme de degré au plus égal à .

 

Si f n’a qu’un nombre fini de zéros, alors c’est un polynôme ; réciproquement une fonction d’ordre non entier positif a toujours une infinité de zéros : par exemple  a pour zéros tous les entiers relatifs, elle s’écrit donc

puisque p = 1 ; par ailleurs  est paire donc A = 0 et pour z = 0,  tend vers  d’où , soit finalement .