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Fonctions d’une variable complexe

 

 

3. Transformations conformes

3-1 : Une fonction holomorphe est une application conforme

3-2 : L’inverse local

3-3 : La fonction homographique

3-4 : Transformations et géométrie de Poincaré

3-5 : Transformations du cercle

3-6 : Conclusion

 

 

3. Transformations conformes

3-1 :  Une fonction holomorphe est une application conforme

Le théorème fondamental sur la question est qu’une fonction holomorphe est une transformation conforme, i.e. l’image d’un angle  de mesure  par f est un angle de mesure .

Considérons  holomorphe dans un domaine (ouvert connexe) U dans lequel sa dérivée  ne s’annule pas. Appelons z0 l’affixe d’un point M0 de U, z celle d’un point M, et P0 et P les points d’affixes  et z’ ; on a dans le repère orthonormal  :

 et  ;

dans le repère orthonormal  : ,  ; moyennant quelques petites manipulations géométriques on peut s’arranger pour que O’ vienne en O et que  ait même direction et même sens que  d’où .

Reprenons la définition du nombre dérivé en  :

posons .

Supposons que le point M décrive une courbe  passant par M0 et qu’en ce point  ait une tangente de vecteur directeur  ; son image P décrira une courbe  ayant une tangente en P0 de vecteur directeur . Si l’on prend sur  le sens de parcours positif correspondant à celui de M sur , alors en posant , on a . L’angle formé par la tangente à  et celui formé par la tangente à  sont identiques.

Comme ceci est valable pour toute courbe passant en M0, la transformation f est conforme : tout angle au voisinage de M0 étant transformé en un angle de mesure identique, simplement tourné de .

Réciproquement considérons une courbe , rectifiable (sa longueur est calculable), passant par M0 ainsi que  sa courbe transformée par f. Le rapport  tend uniformément vers , on a donc pour deux points M et M1 d’images P et P1 :

 tend uniformément vers 0 lorsque M(z) et M1(z1) tendent vers M.

Les lignes polygonales [MM1] inscrites dans  ont une longueur bornée puisque  est rectifiable, il en est donc de même pour  qui est par conséquent également rectifiable. Le rapport de la longueur de l’arc  à celle de l’arc  est , avec  tendant vers 0 lorsque M tend vers M0, donc ce rapport tend vers  uniformément.

 Comme on pouvait s’y attendre lorsqu’on passe du voisinage de z0 à celui de , f se comporte comme une similitude directe.

3-2 :   L’inverse local

Le fait de considérer f localement comme une similitude permet d’envisager sa réciproque en n’importe quel point : on a alors l’équivalent du théorème des fonctions implicites, dit également théorème de l’inverse local :

Si  est holomorphe en M(z), de dérivée non nulle dans un domaine D, alors le point P(z’) décrit un domaine D’ où f est bijective. La transformation réciproque f−1 est alors holomorphe et  comme dans le cas réel.

Comme f est holomorphe, on a en appelant U et V les parties réelles et imaginaires de f :  et , soit .

On peut écrire

  et .

Prenons une ligne de niveau , alors sur cette courbe

 et

ce qui signifie que les courbes  sont orthogonales aux courbes  de même que les courbes  sont orthogonales aux courbes .

3-3 :   La fonction homographique

On appelle fonction homographique la fonction  où a, b, c et d sont des constantes complexes et . Cette fonction est bijective, de réciproque .

Si on fait tendre z vers  , le module de z’ tend vers l’infini ; réciproquement si , z a pour limite . On considèrera donc que le plan complexe a un unique point à l’infini, ce qui permet de conserver la bijectivité de f dans tous les cas.

Comme on l’a vu dans le livre, on peut écrire , ce qui montre que f se décompose en une série de transformations simples :  par la translation de vecteur ,  par une inversion de pôle O, de puissance 1,  par la réflexion d’axe (Ox), enfin une similitude directe et une translation couronnent le tout. Cette transformation est conforme : la composée de l’inversion et de la réflexion ne change pas le sens des angles, les autres transformations étant conformes évidemment.

La transformée d’une droite est un cercle ou une droite, celle d’un cercle est un cercle ou une droite (propriétés de l’inversion).

La fonction f conserve le birapport (ou rapport anharmonique) : soient  alors

(le calcul est simple à faire ; lorsque l’un des points est à l’infini un des deux rapports devient égal à 1).

Comme f est déterminée par 3 paramètres (on peut tout diviser par exemple par a ou n’importe quel coefficient non nul), seuls trois points sont nécessaires pour déterminer f et on peut l’obtenir par exemple par

(1.

Points invariants : on a  qui est du second degré si c n’est pas nul (sinon on a une similitude avec un unique point invariant  ; on peut néanmoins considérer qu’il y a un deuxième point double à l’infini). Bref, avec  on a deux racines  et , affixes de deux points A et B. Supposons ces points distincts : (1) nous donne

(2

k est constant, différent de 1 ; k est appelé le multiplicateur.

Posons , alors (2) se traduit géométriquement par :

  et .

Si k est réel, alors , la deuxième égalité montre que A, B, M et P sont cocycliques : sur le même arc  lorsque k est positif, sur des arcs opposés lorsque k < 0.

Lorsque , on a de plus , M et P sont sur un même cercle, lieu des points dont le rapport des distances à A et B est donné : c’est un cercle du faisceau dont A et B sont les points limites ou points de Poncelet. Il coupe la droite (AB) en deux points diamétralement opposés, conjugués harmoniques par rapport à A et B.

Dans le cas général on peut considérer f comme le produit de ces deux transformations : on effectue d’abord la transformation sur M correspondant à , puis celle correspondant à .

Itérations : dans le cas des similitudes on connaît bien le résultat de l’itération de f : on obtient les spirales logarithmiques.

Ici la relation  envoie immédiatement à  ce qui permet de calculer une expression du terme  : .

Prenons  : ,  ; quelque soit le point de départ (sauf  la suite tend uniformément (à cause de la suite géométrique) vers  (A est attractif et B est répulsif) ; si on a  la situation est inversée entre  et  ; si , la suite tourne indéfiniment sur le cercle passant par z et appartenant au faisceau dont A et B sont les points de Poncelet, à condition que  soit incommensurable avec . Les cas particuliers sont laissés au lecteur (points fixes doubles, c = 0).

3-4 :  Transformations et géométrie de Poincaré

Nous avons dit qu’il suffisait de trois points M(z) et de leurs images P(z’) pour caractériser les transformations homographiques. Les trois points M sont soit alignés, soit sur un cercle ; si on prend alors les points P correspondants sur la droite ou le cercle, cet ensemble de points sera globalement invariant par la transformation considérée. Mettons qu’il s’agisse d’un cercle : les points à l’intérieur du cercle sont envoyés à l’intérieur ou à l’extérieur dudit cercle (dans le cas d’une droite on agira sur des demi-plans).

Cherchons par exemple les transformations conservant le demi-plan H :  ou demi-plan de Poincaré.

Ces transformations doivent conserver la frontière (Ox) : si z = 0 ou , z’ doit être réel et réciproquement. a, b, c et d doivent alors être réels dès que l’un d’eux est réel. On a alors avec  :

.

Pour que y’ soit dans H, il faut . On peut alors supposer que  avec a, b, c, d réels : ces transformations ont été appelées transformations fuchsiennes par Poincaré, c’est une sous-classe des fonctions automorphes.

Lorsque les points doubles sont symétriques par rapport à (Ox), le multiplicateur k de (2) est tel que  ; la transformation est dite elliptique. Lorsque les points doubles sont sur (Ox) et distincts, le multiplicateur k de (2) est réel ; la transformation est dite hyperbolique. Enfin lorsque les points doubles sont sur (Ox) et confondus, la transformation est dite parabolique.

 

Invariant linéaire de Poincaré : dérivons la fonction  ,  ; le rapport de similitude de f au voisinage de M et P est alors .

Appelons ds un élément infinitésimal de courbe rectifiable passant par M et ds’ l’élément de l’arc correspondant passant par P, on a alors .

Si f est fuchsienne, on a alors  : supposons que la courbe soit de la forme , de dérivée continue, alors l’expression  est invariante pour toutes les transformations fuchsiennes, c’est l’invariant différentiel linéaire de Poincaré. Il est alors clair que 

(3

garde la même valeur pour toutes ces transformations.

 

Géométrie de Poincaré : l’intégrale (3) peut être considérée comme donnant la longueur non euclidienne de l’arc de courbe  entre t1 et t2. Dans ce cas les angles sont conservés ainsi que les pseudo-longueurs par toute transformation fuchsienne ; ces transformations étant caractérisées par la donnée de trois points et de leurs images, exactement comme en géométrie euclidienne standard. On dira que ce sont les déplacements de cette géométrie.

Prenons un arc de courbe dans H : lorsqu’il se rapproche de (Ox), sa pseudo-longueur ne reste pas finie (y tend vers 0, ds ne tend pas vers 0) ; l’axe (Ox) jouera donc le rôle de droite des points à l’infini.

Prenons une transformation elliptique f ayant un seul point double A dans H : cette fonction jouera le rôle de pseudo-rotation autour de A ; dans toutes les pseudo-rotations autour de A un point M décrit un cercle du faisceau admettant pour points de Poncelet A et son symétrique A’ par rapport à (Ox) : un tel cercle sera un pseudo-cercle de centre A.

Les cercles passant par A et A’coupent tous ces pseudo-cercles de centre A à angle droit ; ils sont centrés sur (Ox). On considèrera donc que les pseudo-droites sont représentées par les demi-cercles de H dont le centre est sur (Ox).

Le pseudo-cercle peut être également considéré comme lieu des points équidistants de A au sens de la distance définie en (3) ; par ailleurs le pseudo-centre  d’un pseudo-cercle est le point commun aux pseudo-droites qui lui sont orthogonales.

On a donc défini dans notre nouvelle géométrie les (pseudo) éléments de base (qui seront notés en italique) : droites, cercles, angles, distances et déplacements et il n’y a pas de contradiction :

* deux points déterminent une droite (un demi-cercle centré sur (Ox)) ;

* les points à l’infini d’une droite D sont les points U et V situés sur (Ox) ;

* si M est un point extérieur à D, par M passent des droites D’ qui coupent D, des droites D’’ non sécantes et deux droites d et d’ parallèles à D, coupant D à l’infini ;

* les droites D’’ sont comprises dans l’angle de ces parallèles.

* Par M ne passe qu’une seule perpendiculaire à D (le demi-cercle orthogonal en M à D) ;

* le lieu des points équidistants de D d’un côté de D n’est pas une droite car c’est un arc de cercle euclidien passant par U et V.

Précisons la distance de deux points M1 et M2 :

La droite D passant par ces deux points coupe (Ox) en U et V ; on peut par une transformation homographique judicieuse (parabolique) transformer D en la droite coupant (Ox) en U et au point à l’infini (en fait une droite euclidienne) ; M1 et M2 ont pour images W1 et W2 ; le birapport

est conservé et après transformation devient

.

La distance  vaut alors  où Y1 et Y2 sont les parties imaginaires de  et  ; mais comme U, W1 et W2 sont alignés, on a  d’où

.

Il est assez facile de montrer que

.

Comme la fonction  est croissante sur [0 ; 1[ avec  et , on a  : une interprétation amusante est alors que  étant la plus petite possible quand les points sont alignés, la conservation du birapport fait que  est la plus petite possible et donc que la distance la plus courte d’un point à un autre est la « ligne droite », même quand la ligne droite est courbe comme ici…

 

Surfaces : il est clair que dans la géométrie décrite ci-dessus il sera impossible de calculer les aires à partir de carrés ou de rectangles ainsi qu’on en a l’habitude…  Par contre l’élément de longueur  restant invariant, on peut considérer l’élément de surface  qui restera invariant par nos transformations homographiques, c'est-à-dire par les déplacements (en fait on considère que les petits arcs de cercle sont des segments de droite). L’aire d’un domaine vaut alors  ou encore avec la formule de Green-Riemann : , C+ représentant la courbe délimitant le domaine, supposée rectifiable et parcourue dans le sens positif.

Appliquons ceci à un triangle ABC : soit un point M de l’arc  tel que  où Z est le centre de la droite (AB), la portion de  relative à  sera égale à la variation de  (attention au sens de parcours) ; la demi-tangente positive sur , [MT) va faire un tour complet sur elle-même en parcourant tout le triangle, soit un angle de  ; par ailleurs la variation de l’angle de cette demi-tangente avec (Ox) est égale à celle de  : quand elle passe de l’arc  à l’arc  elle tourne de , de  à  elle tourne de  et de  à  de  ; au total cette demi-tangente a tourné de . On a donc

.

Les angles sont évidemment pris entre les tangentes à l’intérieur du triangle ; la somme de ces angles est alors inférieure à  puisque l’aire est positive.

3-5 :  Transformations du cercle

Terminons cet aperçu avec quelques propriétés de certaines transformations homographiques que l’on retrouve fréquemment.

Prenons un cercle C de centre O, de rayon R et une homographie f conservant l’intérieur de C (un point intérieur à C retourne à l’intérieur de C). z1 et z2 sont les deux points dont les images sont 0 et  par f ; f laisse invariant le cercle C ; toute droite passant par O est orthogonale à C, les cercles antécédents passant par z1 et z2 doivent être orthogonaux à C (le lecteur se fera une joie de faire les démonstrations nécessaires en utilisant les propriétés de l’inversion…).

Les points z1 et z2 sont inverses l’un de l’autre et on a . On obtient ainsi que

 avec .

 est une constante complexe telle que  lorsque  : en prenant , on a , ce qui est également une condition suffisante. On a finalement les transformations de la forme

(1)                         avec  et .

Le travail fait précédemment sur la géométrie de Poincaré peut alors être repris en considérant ce type de transformations (et non plus seulement les transformations fuchsiennes), les déplacements sont alors définis par ces transformations, mais il suffit de reprendre ce qui a été fait en envoyant H sur l’intérieur d’un cercle  par une homographie :  où ,  et .

L’invariant différentiel est alors obtenu en dérivant :  ; on montre alors facilement que  et l’invariant différentiel linéaire devient  lorsque .

Généralisons aux homographies quelconques : soit  où g est holomorphe dans un domaine D et  dans D.

Dérivons h une première fois : , recommençons : ,

soit en divisant des deux côtés par h’ : , soit

  (2)

enfin dérivons une dernière fois :  d’où en utilisant (2) :

 ;

l’expression

reste donc invariante par toute transformation homographique. C’est la dérivée de Schwartz de .

3-6 :  Conclusion

Nous concluons cette approche en traduisant certaines choses sous une forme un peu plus moderne : lorsque le domaine D est un demi-plan, un disque ouvert ou , l’ensemble des automorphismes  de D, aut(D), est formé par des sous-groupes du groupe des homographies ; de plus, si D1 et D2 sont deux domaines conformément équivalents (il existe f holomorphe bijective de D1 vers D2) alors aut(D1) et aut(D2) sont isomorphes.

Soient D un domaine de  et G un sous groupe de aut(D) : une fonction méromorphe f dans D s’appelle une fonction automorphe (par rapport à G) si pour tout g de G, . Parmi les fonctions automorphes on trouve

* les fonctions simplement périodiques (D = , G est engendré par une translation,  ),

* les fonctions elliptiques (D = , G est engendré par deux translations, ,  avec  et  non colinéaires, i.e.  ),

* les fonctions modulaires (D = H, G est un sous-groupe des homographies : les fonctions fuchsiennes dont les coefficients sont dans  ).

 

La géométrie plane développée précédemment est en fait la géométrie hyperbolique de Lobatchevski : on peut remplacer H par le disque unité U moyennant de nouveau une homographie : une droite sera alors un arc de cercle orthogonal au cercle unité, tous les résultats précédents restant évidemment valables. Le groupe aut(U) est le groupe des bijections de U dans U qui préserve les angles entre les droites ainsi que la distance non euclidienne.

Les groupes aut(D) et aut(U) sont évidemment isomorphes ; ils sont également isomorphes au groupe projectif spécial linéaire  des matrices 2-2 de la forme  à coefficients réels avec .

 

 



Rappelons qu’un automorphisme est un morphisme bijectif d’un groupe dans lui-même ; un morphisme f conserve la loi de groupe : pour a, b dans G, f(a*b) = f(a)*f(b).