Radioactivité et exponentielle

Ce texte est tiré du document d'accompagnement fourni aux professeurs de TS en septembre 2002. Je l'ai ressaisi pour que vous puissiez en profiter, que vous soyez enseignant, étudiant ou autre... J'ai rajouté quelques commentaires personnels à la fin.

1. Introduction

4. Fonctions vérifiant f’= kf

7. Datations

2. La loi macroscopique de désintégration radioactive

5. Loi microscopique de désintégration radioactive

8. Complément : une introduction de la fonction exponentielle

3. La loi de désintégration radioactive

6. Du microscopique au macroscopique

9. Commentaires

1. Introduction

Parmi les quatre interactions fondamentales qui structurent le monde naturel, gravitation, interaction électromagnétique, interaction forte et interaction faible, trois sont à l’œuvre dans le noyau de l’atome, les deux dernières l’étant de façon spécifique. Curieusement, la première information en est venue, il y a un siècle, non à partir des noyaux les plus stables qu’elles sont susceptibles d’édifier, mais au contraire des noyaux à la limite de stabilité, les noyaux dits radioactifs. De l’origine de l’énergie solaire au maintien d’une Terre chaude et dynamiquement active, de l’origine des éléments chimiques à celle des rayons cosmiques, de la fabrication d’armes terrifiantes à la production d’énergie, de la gestion des déchets nucléaires à l’imagerie médicale ou la médecine curative, les phénomènes nucléaires ont modifié notre vision du monde et pénétré nombre d’activités humaines. Il est important que les élèves de lycée en aient une première perception, en ce qui concerne tant le phénomène physique que ses applications technologiques et géologiques.
Le présent document propose une convergence thématique sur la radioactivité, entre la physique, les mathématiques et les sciences de la Terre. À un premier niveau, la fonction exponentielle, que les élèves découvrent en terminale, s’enrichit à l’évidence d’apparaître dans une expression qui permet d’obtenir l’âge des roches les plus anciennes de la Terre et d’autre planètes du système solaire. De plus, en cours de physique de terminale S, on mesure en diverses occasions des grandeurs physiques dont le taux de variation est proportionnel à la grandeur elle-même : décroissance radioactive, charge et décharge d’un condensateur, effet d’une bobine à induction dans un circuit à courant variable, chute d’un mobile en présence de forces de frottements etc. Il est intéressant que les élèves associent directement cette propriété à la fonction exponentielle.
Ceci suggère d’introduire la fonction exponentielle à partir de l’équation différentielle
y’ = y. La progression dans le programme de mathématique s’en trouve modifiée, par rapport à la façon de faire traditionnelle où l’exponentielle est introduite comme fonction réciproque du logarithme ou à partir de l’extension des fonctions puissances. La notion d’équation différentielle, c’est-à-dire d’une équation où l’inconnue est une fonction est nouvelle pour les élèves et sera introduite tôt dans l’année. Cette introduction est justifiée par l’exemple de la loi macroscopique de la désintégration radioactive à la fois simple et riche dans ses applications. C’est ce que propose le nouveau programme de mathématiques et que développe le présent document. Du point de vue strictement mathématique, les diverses façons d’introduire la fonction exponentielle sont équivalentes. Elles ne le sont pas du point de vue de la physique et de l’intuition. Le thème « Radioactivité » conduit naturellement à aborder en mathématiques la notion de loi de probabilité à densité continue. La physique aborde la question sous l’angle macroscopique (et empirique) du nombre moyen de noyaux radioactifs se désintégrant dans l’unité de temps. Mais la mise en place du modèle qui, partant des hypothèses de base concernant la désintégration d’un noyau individuel, permet d’établir la loi de probabilité de la durée de vie d’un noyau radioactif est effectuée dans le programme de mathématiques. À l’issue du parcours, on peut voir comment un processus fondamentalement aléatoire peut conduire à un comportement macroscopique déterministe.

Si les découpages disciplinaires ont certes leur fonction (après tout, ils correspondent pour une part à la structuration de la nature et à notre façon de l’appréhender), l’exemple de la radioactivité illustre en quoi une recomposition des connaissances relatives à des champs disciplinaires différents accroît les possibilités de compréhension.
L’interdisciplinarité est une pratique nécessitant un approfondissement de chacune des composantes, le plus souvent préalable ; il se trouve que le thème radioactivité est l’un de ceux où un travail peut être fait en attaquant le problème de tous les côtés à la fois, sans l’écueil de la superficialité.

2. La loi macroscopique de désintégration radioactive                  retour

Pourquoi certains noyaux sont-ils instables ? La structure des noyaux atomiques (A nucléons dont Z protons et N = A-Z neutrons) résulte de la compétition entre les deux interactions existant entre les constituants :

1) L’interaction forte, attractive, entre nucléons, qu’ils soient neutrons ou protons ; elle est intense, mais de courte portée : éloignés de plus de 3 ou 4 femtomètres (fm, 1 fm = 10–15 m), deux nucléons ne se « voient » plus par interaction forte. Cette interaction, pour des raisons que l’on n’explicitera pas ici, privilégie les noyaux avec un nombre égal de protons et de neutrons (un signe de cette caractéristique peut être décelé dans le fait que le noyau de deutérium, isotope lourd de l’hydrogène (un proton + un neutron) est stable, alors que le « di-neutron » et le « di-proton » n’existent pas).

2) L’interaction électrique (dite « coulombienne ») entre charges électriques de même nature, en l’occurrence les protons. Aux distances en jeu dans le noyau, elle est environ dix fois moins intense que l’interaction forte, mais elle est de longue portée : chaque proton interagit avec tous les autres. Sa contribution à l’énergie totale du noyau est proportionnelle au nombre de couples de protons, soit Z(Z – 1)/2. Comme Z est de l’ordre de A/2, le nombre de couples est de l’ordre A2. Le potentiel coulombien entre deux charges variant comme l’inverse de leur distance, la contribution à l’énergie est ramenée en fait à une dépendance en A5/3.

Il résulte de ces caractéristiques que l’interaction forte attractive contribue à l’énergie du noyau par un terme proportionnel au nombre total A de nucléons (chaque nucléon n’interagissant qu’avec ses proches voisins), alors que l’interaction coulombienne répulsive contribue par un terme proportionnel à A5/3 : l’interaction coulombienne, bien que moins intense que l’autre, finit par l’emporter lorsque A augmente. Au-delà d’un certain nombre de protons, les noyaux deviennent instables, et le tableau de Mendeleiev s’arrête. Les valeurs numériques particulières des constantes caractéristiques des interactions expliquent que ce nombre maximum est 92, et qu’ainsi le tableau périodique de Mendeleiev s’arrête, pour les éléments naturels, à l’uranium.

Remarques
1) L’énergie d’un noyau comprend d’autres contributions. Par exemple un terme de surface, lié à ce que le nombre de voisins est plus petit en surface qu’en volume, un terme lié à ce que le nombre de neutrons N n’est pas strictement égale à Z, etc. L’argument ci-dessus concerne les deux contributions principales et répond donc qualitativement à la question posée.
2) Un neutron isolé est une particule instable. Sa liaison dans un édifice nucléaire empêche sa désintégration.
3) On sait synthétiser en laboratoire des éléments dits « super lourds » ; le record actuel est Z = 112. Ces éléments ont des durées de vie trop faibles pour être observées ; leur formation est attestée par l’identification des produits de leur désintégration.
4) Les étoiles à neutrons, résidus d’explosions de supernovae, semblent contredire le raisonnement présenté ci-dessus, puisqu’il s’agit de boules de matière nucléaire d’environ 10 km de rayon, ayant en gros la masse du Soleil. Plusieurs considérations sont à prendre ici en compte : d’une part, une étoile à neutrons, contrairement à un noyau atomique, est électriquement neutre ; d’autre part, à l’échelle d’une étoile, la gravitation, loin d’être négligeable comme dans un noyau, devient l’interaction dominante. Elle est également de longue portée, et toujours attractive : c’est elle qui fait qu’une étoile à neutrons forme un système « lié » (stable).

img10.gif

Il est commode de représenter les noyaux atomiques dans le plan (N, Z). Un noyau est représenté par un point de coordonnées entières. Les noyaux légers sont groupés autour de la droite N = Z, c’est un effet mentionné de l’interaction forte. Les quelques caractéristiques développées ci-dessus permettent de comprendre où se trouvent les noyaux radioactifs dans ce plan : puisque l’interaction nucléaire privilégie les noyaux avec N semblable à Z, les noyaux avec « trop » de protons ou « trop » de neutrons sont instables. Avec trop de protons, ils peuvent être émetteurs β+ (un proton se transforme spontanément en neutron dans le noyau avec émission d’un positron) ou capturer un électron du cortège; avec trop de neutrons, ils sont émetteurs β– (un neutron se transforme spontanément en proton dans le noyau avec émission d’un électron). Ces deux processus sont gouvernés par l’interaction faible. Enfin ceux qui sont « trop » lourds, vers la fin du tableau de Mendeleiev, sont émetteurs : ils se transforment spontanément en noyaux plus légers en émettant un noyau d’hélium. La radioactivité γ est une émission de rayonnement électromagnétique, provenant de la désexcitation de noyaux qui ne sont en général pas produits dans leur état d’énergie fondamental.

3. La loi de désintégration radioactive                              retour

L’expérience suggère que, si l’on considère une population macroscopique de noyaux radioactifs (c’est-à-dire dont le nombre est de l’ordre du nombre d’Avogadro, soit
6 × 1023), le nombre moyen de noyaux qui se désintègrent pendant un intervalle de temps à partir d’un instant t, rapporté au nombre total de noyaux N(t) présents à l’instant t et au temps d’observation , est une constante λ caractéristique du noyau en question.
On peut donc écrire : img12.gif; a priori, la constante λ pourrait dépendre du temps. Ce serait le cas si un processus de vieillissement était en cause, comme, par exemple, si l’on s’intéresse au nombre de décès dans une population donnée. Le fait que λ ne dépende pas du temps s’interprète comme un processus de « mort sans vieillissement ». En passant à la limite pour un intervalle de temps devenant arbitrairement petit, on écrira l’équation ci-dessus
dN(t)/N(t) = – λdt, ou encore dN(t) = – λN(t)dt.
On écrira aussi : N’(t) = – λN(t).

Dans ce texte, l’accent est mis sur la synergie nécessaire entre physique et mathématiques pour une bonne compréhension du phénomène, en particulier concernant les deux aspects suivants : (i) l’étude empirique de la désintégration radioactive conduit à considérer un objet mathématique nouveau pour les élèves, appelé équation différentielle et (ii) on établit un modèle physique microscopique de la désintégration, qui rend compte de la loi macroscopique observée pour l’évolution de la valeur moyenne du nombre de noyaux existant à un instant donné.

 

4. Fonctions vérifiant f’= kf                                            retour

L’équation f’ = kf est une équation où l’inconnue est une fonction : c’est un objet nouveau pour l’élève de terminale. La ou les solutions, si elles existent, sont des fonctions. Il faut remarquer ici que le seul fait de poser une équation n’implique pas qu’elle ait des solutions. Par exemple, les élèves peuvent facilement vérifier qu’aucune fonction polynôme, et plus généralement aucune des fonctions connues à leur entrée en terminale  n’est solution de l’équation. On peut donc s’interroger sur l’existence et l’unicité de la solution qui prend une valeur donnée en un point donné.
Une première approche peut consister à mettre en œuvre une méthode numérique pour approcher une solution de l’équation, en s’assurant empiriquement de la convergence de la méthode. Dans le cas présent, les équations différentielles sont implicitement abordées dans le programme de mathématiques de première S : on construit à l’aide de la méthode d’Euler une approximation d’une fonction f telle que f’ = g, où g est une fonction donnée, par exemple g(t) = 1/(1 + t2) (aucune question théorique n’est soulevée à ce niveau). En continuité avec le travail fait en première, on peut utiliser la méthode d’Euler pour avoir l’allure du graphe sur l’intervalle [0, t] de la fonction dérivable f vérifiant f’ = f, f(0) = 1. Pour cela, on discrétise l’intervalle [0, t] en n intervalles d’amplitude t/n, et on trace entre 0 et t le graphe d’une fonction affine par morceaux, obtenu en reliant par des segments les points (kt/n, yk), k = 0,…,n, avec : y0 = 1 et img13.gifsoit :img14.gif, k = 0,…, n en particulier img15.gif

Du point de vue mathématique, la méthode d’Euler lie donc la valeur de f(t) à celle de la limite éventuelle de la suite de terme général (1 + t/n)n : cette question est traitée dans l’annexe 1, où l’on déduit, de façon rigoureuse, quelques propriétés de f. On passe ensuite à l’étude des équations f’ = kf ; on caractérise les solutions de ces équations ayant pour valeur 1 en 0. Ce sont les fonctions dérivables transformant les sommes en produits. Diverses propositions sont établies, dont les démonstrations sont l’occasion d’approfondir la notion de dérivée, de manipuler cette nouvelle fonction f et de justifier la notation f(t) =e t.
Il est important de noter à ce sujet que la seule résolution numérique ne permettrait en aucun cas d’établir ces propriétés !

 

5. Loi microscopique de désintégration radioactive                    retour

Ce paragraphe utilise des résultats du cours de mathématiques de Terminale : propriétés de la fonction exponentielle, de l’intégrale d’une fonction continue et de la loi binomiale. En physique, l’expérience a permis de poser l’équation suivante : N’(t) = – λ N(t) où N(t) représente la moyenne du nombre de noyaux présents à l’instant t. On en déduit la loi d’évolution : N(t) = N(0) e–λt.

On remarquera que pour toute valeur de t et t0, on a aussi : N(t + t0) = N(t0) e–λt. Autrement dit, l’origine des temps importe peu dans l’étude de ce phénomène : on peut « repartir de 0 » quand on veut, l’équation modélisant l’évolution du nombre moyen d’atomes est toujours la même.
Considérons maintenant ce qui se passe à l’échelle des noyaux et cherchons à établir un modèle microscopique de la désintégration. L’observation montre que le nombre de noyaux qui se désintègrent pendant un intervalle de temps t est une quantité aléatoire et on fera donc l’hypothèse que la durée de vie d’un noyau d’une substance radioactive donnée est elle aussi une quantité aléatoire. Le taux de désintégration N’(t) est proportionnel au nombre de noyaux présents : une interprétation est que les désintégrations des noyaux sont indépendantes les unes des autres.
Le taux de désintégration des noyaux, rapporté au nombre de noyaux présents, soit
N’(t)/N(t), est constant au cours du temps. Les noyaux, en quelque sorte, ne «s’usent» pas, ne « vieillissent » pas : leurs propriétés demeurent constantes au cours du temps. On peut alors, pour une substance radioactive donnée, proposer un modèle microscopique de désintégration des noyaux fondé sur les hypothèses suivantes :
   1) La durée de vie d’un noyau est modélisée par une loi de probabilité, la même pour tous les noyaux d’une même substance radioactive.
   2) La désintégration d’un noyau n’affecte pas la désintégration d’un autre noyau.
   3) Un noyau se désintègre sans avoir « vieilli ».
La durée de vie est une quantité aléatoire, qui peut-être modélisée par une loi de probabilité sur l’ensemble des nombres réels positifs. Les élèves ont vu en première la notion de loi de probabilité sur un ensemble fini, loi caractérisée par la probabilité de chaque élément ; la généralisation de cette notion de loi de probabilité à des intervalles de R , bornés ou non, est délicate. Nous cherchons dans ce paragraphe une telle loi P pour modéliser la durée de vie des noyaux d’une même substance radioactive.

On notera F(t) la probabilité pour que la durée de vie d’un noyau soit comprise entre 0 et t, soit F(t) = P([0, t]). La loi de probabilité P étant à densité continue, on peut écrire :img16.giff est une fonction continue positive sur  R+, appelée densité de P.
Pour tout intervalle I = [a, b], a < b, que les bornes a et b soient incluses ou non dans I, on a P(I) = F(b) – F(a). On remarque que F(t) désigne aussi la probabilité pour qu’un noyau se désintègre entre les instants 0 et t. La probabilité qu’il ne soit pas désintégré à l’instant t est donc 1 – F(t). L’hypothèse (3) sera interprétée à partir de la considération suivante du non vieillissement pour un organisme : ne pas vieillir, c’est avoir à tout âge la même probabilité de vivre encore s années, soit la probabilité qu’a un noyau non désintégré à l’instant t de se désintégrer dans les s unités de temps suivantes ne dépend que de s ; en particulier, comme cette probabilité ne dépend pas de t, elle est égale à la probabilité de se désintégrer entre les instants 0 et s.
Soit encore : la probabilité pour un noyau de se désintégrer entre les instants t et t + s, sachant qu’il n’est pas désintégré à l’instant t, est égale pour tout t à la probabilité de se désintégrer entre les instants 0 et s. Ce qui s’écrit : PIt(]t, t + s]) = F(s), où It est l’événement « le noyau n’est pas désintégré à l’instant t ». La probabilité de It est, comme indiqué ci-dessus, 1 – F(t) ; or : P(]t, t + s]) = (1 – F(t)) × PIt(]t, t + s]), (la probabilité de se désintégrer entre t et t + s est égale à la probabilité de ne pas se désintégrer entre 0 et t multipliée par la probabilité conditionnelle de se désintégrer entre t et t + s sachant que le noyau existe encore à l’instant t). Comme P(]t, t + s]) = F(t + s) – F(t), il s’ensuit que : F(t + s) – F(t) = F(s)(1 – F(t)).
En posant G(t) = 1 – F(t), il vient : G(t + s) = G(t)G(s). La fonction G est dérivable, transforme une somme en produit et vérifie G(0) = 1. D’après les résultats de l’annexe (propriété 3), c’est une fonction exponentielle : G(t) = eat. Comme F est positive et bornée par 1, G est bornée par 1, et on peut écrire a = – α, où α est strictement positif. D’où G(t) = eαt et F(t) = 1 – eαt.
La densité f est la dérivée de F ; la densité de la loi de probabilité modélisant la durée de vie d’un noyau qui meurt sans vieillir (on peut dire aussi qui ne s’use pas) est donc donnée par f(t) = αeαt, où α est un paramètre strictement positif. On dit que P est une loi de probabilité exponentielle.

Remarques :
   
1) La probabilité qu’a un noyau existant à l’origine de se désintégrer entre t et t + s est donnée par : P([t, t + s]) = eαt(1 – eαs) = eαtP([0, s]). Cette probabilité dépend de t et tend vers 0 lorsque t tend vers l’infini : c’est normal, car la probabilité de se désintégrer entre 0 et t tend vers 1 lorsque t tend vers l’infini. En particulier, P(]n ; n + 1]) = (1 – p)np, où p est la probabilité de désintégration en une unité de temps, soit p = 1 – eα.
   2) Un exemple d’absence d’usure dans le cas discret : on lance un dé toutes les secondes ; par analogie avec le cas de la radioactivité, on dira que s’il tombe sur 6, il se désintègre, et l’on arrête. L’absence d’usure (ou le non vieillissement) est ici très intuitive: sachant que le dé n’est pas désintégré à la seconde n, la probabilité qu’il se désintègre à la seconde n + 1 vaut toujours p = 1/6 ; la probabilité qu’il se désintègre à la seconde
n + 1 est P(n + 1) = (1 – p)np.
La loi de probabilité définie sur  N* par P(n) = (1 – p)n–1p est appelée loi de probabilité géométrique.
   3) L’espérance (moyenne théorique) d’une loi de probabilité (p1,…,pN) sur E = {e1,.,eN} est .
On définit de même, si elle existe, l’espérance ou moyenne théorique µ d’une loi de probabilité sur  R+ de densité f, par : . Pour f(t) = αeαt, une intégration par parties montre que µ = 1/α ; on peut écrire f(t) = (1/µ)et. Autrement dit, si on mesure les durées de vie d’un grand nombre de noyaux, la moyenne de ces durées sera voisine de 1/α. La médiane de la loi de probabilité P, appelée ici temps de demi-vie, est égale à µ ln(2).

 

6. Du microscopique au macroscopique                                                                      retour

La loi de probabilité du nombre de noyaux qui se désintègrent entre les instants 0 et t, t fixé, est une loi binomiale B(n, p) avec n = N(0) et p = F(t) = 1 – eαt. L’espérance (moyenne théorique) de cette loi est donnée par le produit np, soit ici
                                                nF(t) = N(0)(1 – eαt);
cette espérance peut aussi s’écrire N(0) – N(t), où N(t) est l’espérance du nombre de noyaux à l’instant t. On a donc : N(0) – N(t) = N(0) (1 – eαt), d’où : N(t) = N(0) eαt ; On en déduit que : α = λ, où λ est la constante apparaissant dans la loi empirique de désintégration.

Remarques :
   
1) L’échelle microscopique est ici celle des noyaux ; l’échelle macroscopique est, à un instant t fixé, celle du nombre N(t) de noyaux non désintégrés de la substance radioactive considérée (N(t) est de l’ordre de 1023). On peut aussi dire qu’à l’échelle macroscopique les hypothèses du paragraphe précédent permettent d’appliquer la loi des grands nombres :

La proportion X(t)/N(0) du nombre exact de noyaux qui se désintègrent pendant un intervalle de temps t est proche de la probabilité F(t) de désintégration d’un noyau entre les instants 0 et t. Soit : F(t) = (1 – e–λt).
On peut quantifier ceci, en approchant la loi binomiale par une loi normale ; ainsi, si N(0) = 1023 et F(t) = 10–3 : ! Les fluctuations de X(t) sont négligeables par rapport à son espérance, i.e. devant N(0)F(t) (dans la mesure où N(0)F(t)est suffisamment grand, soit λt pas trop petit, pour que cette phrase ait un sens). La désintégration des noyaux est un phénomène aléatoire, mais au niveau macroscopique, on peut dans ce cas négliger les variations ; ainsi, le même phénomène (la désintégration des noyaux), suivant l’échelle où on l’observe, fait l’objet d’un modèle probabiliste (échelle microscopique) ou déterministe (échelle macroscopique) où on ne raisonne plus que sur des espérances (moyennes théoriques).

   2) Il est normal que la traduction au niveau microscopique de l’absence d’usure observée au niveau macroscopique permette de retrouver l’équation N(t) = N(0)e–λt, mais encore fallait-il le vérifier. Du point de vue épistémologique, le cheminement est semblable à celui qui va des équations de la mécanique à l’établissement des lois que Kepler a établies empiriquement sur la base des observations de Tycho Brahé. Mais il est légitime de vouloir aller plus loin, et de chercher à comprendre pourquoi « les noyaux meurent sans vieillir », autrement dit, de chercher pourquoi leur désintégration ne résulte pas d’un processus de vieillissement. C’est Gamow qui le premier, en 1928, a utilisé la toute nouvelle mécanique quantique pour comprendre l’émission : il s’agit d’une traversée de barrière d’énergie potentielle (d’origine coulombienne) par « effet tunnel ». La mécanique quantique, théorie irréductiblement probabiliste, conduit à la fois à la loi exponentielle et à la détermination de la valeur de la constante λ, à partir des caractéristiques de la barrière de potentiel. Elle permet de comprendre également la variété des valeurs de λ, d’un nucléide à un autre : en effet, la transmission à travers une barrière par effet tunnel est très sensible (exponentiellement sensible, en réalité) à des petites différences dans l’allure de cette barrière.

7. Datations                                                               retour

Les demi-vies des noyaux radioactifs couvrent une gamme étonnamment large de valeurs, comme le montrent les quelques cas suivants :
                Uranium-238 4,5 × 109 ans
                Plutonium-239 2,4 × 104 ans
                Carbone-14 5730 ans
                Iode-131 8 jours
                Radon-222 3,8 jours
                Radon-220 56 s
                Polonium-213 4 × 10–6 s
                Beryllium-8 1 × 10–16 ans

Remarque – On peut se demander comment il est possible de mesurer des demi-vies de  l’ordre du milliard d’années. Un calcul d’ordre de grandeur des taux de désintégration escomptés permet de fixer les idées. Considérons un échantillon de 238 g d’uranium-238. Il contient environ 6,02 × 1023 noyaux d’uranium. Le taux de désintégration (par émission ) – est donc de l’ordre de 500 000 par seconde. En mesurant dN(t)/dt, on peut donc avoir accès à . Les sources d’incertitude proviennent bien sûr de la détection.

Cette variété de valeurs des demi-vies est une chance, car elle permet d’effectuer des datations pour toutes les échelles de temps nécessaires. Décrivons brièvement la méthode de datation dite « au carbone-14 ».

Datation au carbone-14 : Le carbone-14 est produit en haute atmosphère lors de réactions nucléaires induites par des protons rapides d’origine galactique. Lors de ces réactions, des neutrons rapides sont libérés, qui peuvent être capturés par les noyaux d’azote de l’air selon le schéma : img18.gif.
Ce carbone-14 est produit régulièrement. Il est en proportion à peu près constante et connue dans les environnements terrestres où l’on trouve du carbone en contact avec l’atmosphère : gaz carbonique, plantes, corps humain. La proportion est de 1,3 × 10-12 noyaux de carbone-14 pour 1 noyau de carbone-12. Lorsqu’un individu ou une plante meurt, son métabolisme cesse et son carbone n’est plus renouvelé. Par conséquent le carbone-14 qu’il contient se désintègre, en redonnant un noyau d’azote-14, et ceci avec une demi-vie de 5 730 ans. Il suffit de mesurer la proportion dans les restes (os, cheveux, bois) pour connaître l’époque de la mort. On peut ainsi dater des événements qui se sont déroulés il y a plus de quelques milliers d’années. Au-delà de 30 000 à 35 000 ans, la plus grande partie des noyaux de carbone-14 ont été désintégrés et le comptage ne peut plus se pratiquer.

Exemple : dans 1 g de carbone naturel actuel, de masse molaire moyenne 12 g, il y a 6,02 × 1023/12  soit 5 × 1022 noyaux. Parmi ceux-ci, environ 5 × 1022×1,3 × 10-12 = 6,5 × 1010 sont des noyaux de carbone-14. Le taux de désintégration – dN/dtN(0) est donc de ln(2) × 6,5 × 1010/(5730 × 3 × 107) = 0,26 par seconde (il y a en effet environ 3 × 107 secondes dans une année). Au bout de deux fois la demi-vie, soit 11 460 ans, ce taux est réduit d’un facteur exp(2ln2) = 4. Le taux de comptage mesuré est beaucoup plus faible : il tient compte de la fenêtre d’entrée du détecteur et de l’efficacité de celui-ci.
La méthode suppose que le taux de production du carbone-14 en haute atmosphère n’a pas varié entre l’instant initial et le présent. On a pu montrer récemment que ce n’était pas tout à fait le cas, et qu’il fallait effectuer des corrections aux datations obtenues par cette méthode, pour tenir compte des variations des échanges océan-atmosphère d’origine climatique et des variations du champ magnétique terrestre agissant sur le rayonnement cosmique. Le rayonnement cosmique et l’activité solaire ont pu également varier au cours des quelques milliers d’années passées. Depuis la révolution industrielle, l’activité humaine a fortement modifié le taux de carbone-14 présent dans l’atmosphère (combustion d’hydrocarbures d’origine fossile, dépourvus de carbone-14) et les datations doivent bien sûr en tenir compte.

Détermination de l’âge de la Terre par la méthode rubidiumstrontium : Rutherford, il y a un siècle, fut le premier à avoir l’intuition que la radioactivité, présente dans les roches, pouvait servir à déterminer l’âge de celles-ci. Les roches provenant de l’intérieur de la Terre et métamorphiques (transformées sous l’effet des hautes températures et pressions internes) sont formées de minéraux. Ces minéraux sont composés de constituants majeurs non radioactifs (K, Al, Na, Ca, Si, O, etc.), mais des éléments plus rares susceptibles de présenter des désintégrations radioactives (le rubidium par exemple) peuvent s’insérer dans le réseau cristallin à la place des constituants majeurs (strontium et rubidium à la place du potassium par exemple). Une roche cristallise en une durée très courte à l’échelle géologique, et l’on peut donc considérer que ce processus est instantané. La méthode rubidium-strontium de datation des roches repose sur la désintégration du rubidium-87 en strontium-87. Un neutron du noyau de rubidium se transforme spontanément en proton (le noyau de rubidium devient ainsi un noyau de strontium), avec éjection d’un électron (conservation de la charge) et d’un anti-neutrino :
                                            img19.gif.
On dit qu’il s’agit d’une radioactivité de type β . La demi-vie est de 50 × 109 ans, valeur bien adaptée à la datation de roches cristallisées lors de la formation de la Terre. À partir de la date de cristallisation, date de « fermeture » des minéraux (instant t0 que l’on prendra comme origine des temps) les éléments radioactifs subissent une évolution indépendante dans chacun des minéraux de la roche. Considérons différents minéraux d’une roche datant de la même époque géologique, contenant du strontium-86 et 87, non radioactifs, et du rubidium-87, radioactif.
À l’instant initial t0, le rapport isotopique N(87Sr)/N(86Sr) initial est le même pour tous les minéraux de la roche, car les deux isotopes ont les mêmes propriétés chimiques. En revanche la quantité de rubidium et le rapport d’abondance N(87Rb)/N(86Sr) initial varie d’un minéral à l’autre. Ces valeurs initiales sont toutes deux inconnues. Au cours du temps, le nombre d’atomes de strontium-87 augmente en raison de la désintégration des noyaux de rubidium. Comment dater ces roches sans connaître les compositions initiales ?
Soient N(87Sr) et N(86Sr) les nombres d’atomes de strontium-87 et de strontium-86 présents dans un morceau de roche, et N(87Rb) le nombre d’atomes de rubidium-87. Conformément à la loi de désintégration, pour chaque morceau de roche, on aura à l’instant t (en prenant l’instant initial t0 comme origine des temps) :
                                N(87Rb) = N(87Rb)initial × exp(– λt)  (1).
Le nombre d’atomes de strontium-87 formés est égal au nombre d’atomes de rubidium désintégrés soit : N(87Rb)initial [1 – exp(– λt)],

img1.gif
Figure 2

ou encore, en utilisant la relation (1) : N(87Rb) × [exp (λt) – 1].
Le nombre total d’atomes de strontium-87, somme des atomes présents initialement et de ceux provenant de la désintégration du rubidium, est donné par :
                     N(87Sr) = N(87Sr)initial + N(87Rb) × [exp (λt) – 1].
On a donc, en divisant par le nombre d’atomes de strontium-86 présents dans l’échantillon actuellement, la relation :
            img2.gif (2)

On reporte les valeurs mesurées à l’instant t (actuel) pour les rapports isotopiques dans différents minéraux dans un plan de coordonnées {x = N(87Rb)/N(86Sr), y = N(87Sr)/N(86Sr)}. L’équation ci-dessus est celle d’une droite, de pente exp(λt) – 1. Pour pouvoir tracer la droite, et en déduire l’âge t de la cristallisation de la roche, il est nécessaire d’avoir au moins deux échantillons. Les abondances sont déterminées par spectrométrie de masse. Les points expérimentaux s’alignent sur une droite (voir les étoiles dans la figure 2) dont l’extrapolation à l’origine donne le rapport isotopique N(87Sr)/N(86Sr) à l’instant initial de formation (fermeture) de la roche.

img3.gif
Figure 3

Remarque : – La pente de la droite, exp(λt) – 1, augmente au cours du temps. Elle est nulle à t = 0. Lorsque le temps s’écoule, la droite pivote autour de l’ordonnée à l’origine. Si l’on choisit les mêmes unités en abscisse et en ordonnée, les points représentatifs des différents échantillons décrivent des segments de droite à 45°, car à chaque fois qu’un noyau de rubidium-87 se désintègre, il apparaît un noyau de strontium-87 (voir figure 3).
La formule (2), qui permet d’obtenir l’âge du Système solaire, est d’une étonnante simplicité : quelques mesures de rapports isotopiques, le tracé d’une droite, et l’âge en découle. Cette simplicité remarquable est à mettre en regard de la somme de connaissances que la formule représente. Il existe de nombreux autres couples d’isotopes utilisés pour la radio-chronologie. Sans être exhaustif, on peut citer le potassium-40 (radioactif β+) qui se désintègre en argon-40 avec une demi-vie de 1,2 × 109 ans.
L’uranium-238 et l’uranium-235, dont les demi-vies sont respectivement de 4,5 × 109 et 0,7 × 109 années, sont chacun à l’origine d’une « famille radioactive » qui se termine pour l’une avec le plomb-206, pour l’autre avec le plomb-207, deux isotopes stables. Celle du thorium-232, dont la demi-vie est de 14 × 109 années, se termine également avec le plomb-208. À cause de l’altération et de la tectonique des plaques, il n’existe plus aucune roche dont l’origine soit contemporaine de la formation de la Terre et les roches terrestres les plus vieilles datent de 4,1 milliards d’années. Cependant, grâce aux chutes de météorites et aux missions spatiales Apollo, nous disposons d’abondants échantillons planétaires (Lune, Mars, Vesta) qui permettent de dater le Système solaire avec précision.
Les âges déterminés à partir de la datation des météorites sont remarquablement cohérents, d’une méthode de datation à l’autre, autour de la valeur de 4,56 milliards d’années. 

 

8. Complément : une introduction de la fonction exponentielle        retour

Partie I : Existence d’une solution de l’équation f’= f vérifiant f(0) = 1.

Théorème : L’équation différentielle f’ = f admet une solution prenant la valeur 1 en 0.

La démonstration de ce théorème repose, pour x fixé, sur la fabrication de deux suites adjacentes, l’une croissante, un(x), l’autre décroissante, vn(x), dont la limite commune définit une fonction vérifiant l’équation différentielle. La suite un(x) apparaît lors de l’application de la méthode d’Euler à  f’ = f.
                              et .

Les démonstrations qui suivent font appel à la propriété P suivante : pour tout réel x > –1 et tout entier naturel n, (1 + x)n 1 + nx. Cette propriété P se démontre soit par récurrence, soit en étudiant la fonction (1 + x)nnx et en montrant que ses valeurs sont toujours supérieures à 1. On considérera des valeurs de n supérieures à . Pour tout x, la suite un (x) est croissante : comme et , on obtient en reportant :
:   
          ,
l’inégalité étant obtenue par application de la propriété P. D’où un+1(x) un(x).

Pour tout x, la suite (vn(x)) est décroissante : 1/vn(x) = un(– x) ; la suite un(– x) étant croissante à partir d’un certain rang, la suite vn(x) est décroissante.
Les suites un(x) et vn(x) sont adjacentes : en effet , (voir la propriété P ), d’où : . Donc 0 < vn(x) – un(x) < [vn(x)]x2/n et (un(x) – vn(x)) tend vers 0. Les deux suites ont donc même limite.

On note exp la fonction qui à x fait correspondre la limite commune des suites un(x) et vn(x). On a exp(0) = 1. Il reste à étudier la dérivée de cette fonction ; pour cela, étudions la limite du rapport lorsque h tend vers 0, x étant fixé, et montrons qu’elle est égale à exp(x). L’idée est de faire apparaître exp(x) dans exp(x + h), et pour cela d’écrire : .

On suppose et n + x > 1. En utilisant la propriété P, on a , soit, en passant à la limite :
exp(x + h)exp(x)(1 + h).
On change h en –h, puis x en x + h ; il vient : . En passant à la limite sur h>0 puis sur h<0, on obtient le résultat.

Partie II : Quelques propriétés :

Soit g une fonction vérifiant g’ = g et g(0) = 1. D’après le paragraphe précédent, il en existe au moins une.

Propriété 1 : La fonction g ne s’annule pas.

Soit F la fonction définie par F(x) = g(x)g(–x). Sa dérivée est nulle en tout point, car
g’ = g. F est donc constante et vaut toujours 1, qui est la valeur de g en 0, d’où le résultat. De plus, g(–x) = 1/g(x).

Propriété 2 : Soient a et λ deux réels. Il existe une solution et une seule de l’équation
f’ = λf vérifiant la condition initiale f (0) = a.

La fonction f définie pour tout réel x par f(x) = agx) satisfait les deux propriétés. Supposons qu’il existe une autre fonction u qui les satisfasse également.
Formons F(x) = u(x)g(– λx) ; on vérifie que F’(x) = 0, donc F est constante. Comme F(0) = a, on a F(x) = a, d’où g(x) = a/g(–λx) = agx) = f (x) ; en prenant λ = 1 et a = 1, on voit qu’il n’existe qu’une seule fonction égale à sa dérivée et prenant la valeur 1 en 0. C’est donc la fonction exp.

Propriété 3 : Soit f une fonction dérivable sur R telle que f (0) = 1. Les deux propositions suivantes sont équivalentes :
               i) il existe une constante λ telle que f vérifie f’ = λf ;
               ii) pour tous réels a et b : f (a + b) = f (a) f(b).

Montrons que (i) implique (ii) : soit u définie par u(x) = f (a + x) ; u vérifie u’ = λu et u(0) = f (a). Soit h définie par h(x) = f(a) f(x) ; h vérifie h’ = λh et h(0) = f(a) ; d’après la propriété 2, les deux fonctions u et h sont égales.
Montrons que (ii) implique (i) : on a f (a + x) = f(a) f(x) ; en dérivant par rapport à x, on trouve f’(a + x) = f’(a) f’(x) ; en prenant x = 0 dans cette dernière égalité, on trouve que, pour tout a, f’(a) = λf (a), soit f’ = λf, avec λ = f’(0).

Corollaire : Pour tout nombre réel x, g(x) > 0. On sait déjà que g ne s’annule pas. Le résultat découle alors de : g(x) = g(x/2 + x/2) =g(x/2)2.

Une notation pour la fonction exponentielle (fonction exp).

On montre par récurrence en utilisant la propriété 3 ci-dessus que pour tout nombre a et tout entier (positif ou négatif) n : exp(an) = (exp(a))n. On convient de noter e le nombre exp(1). On peut alors écrire exp(n) = en. La fonction exponentielle prolonge à R la fonction définie sur N  par : et garde la propriété de transformer une somme en produit. On convient d’écrire, pour tout réel x : exp(x) = ex.

On remarque que, la fonction étant strictement positive, sa dérivée est partout strictement positive, d’où e > 1. Une valeur approchée de e = lim(1 + 1/n)n est 2,7182818284590452353.

 

9. Commentaires                                                               retour

Quelques commentaires personnels :

Le choix de la radioactivité : ce choix pluridisciplinaire (on retrouve le thème dans le programme de SVT à propos de la datation) est très intéressant mais pose un problème de fond : peut-on expérimenter ? Dans tous les programmes des disciplines scientifiques l'accent est mis de plus en plus sur l'expérimentation, aussi on peut se demander comment le prof lambda ou l'élève epsilon peuvent réaliser la moindre expérience à ce propos : le coût d'un tube au Césium avoisine les 4000 Euros... Aussi retombe-t'on forcément sur de la culture livresque et en grande partie hors de la capacité d'appropriation des élèves.
Les thèmes issus de la biologie ou de la physique ne nécessitant qu'un matériel limité abondent : on peut regarder par exemple des phénomènes de croissance de population à partir de cultures d'algues microscopiques, la mesure se faisant par l'intermédiaire d'un scanner et de petits logiciels très simples. De même en physique les dosages de concentration de produits chimiques aboutissent à une loi logistique (laquelle n'est d'ailleurs absolument pas explicite dans les manuels de chimie... allez y jeter un coup d'oeil, c'est très surprenant !).

Les probabilités : le choix d'une loi exponentielle comme loi de probabilités continue (seul exemple au programme de TS avec la loi uniforme) résulte certainement d'un compromis gravissime ! En effet, la loi Normale est la loi de base des probabilités et des statistiques classiques et on la retrouve dans une foultitude de situations. Ceci est dû au Théorème central-limite et à la loi des grands nombres ; on peut penser que les concepteurs du programme ont été effrayés par les possibilités de dérive en termes de théorie et d'applications. Pourtant des expérimentations, numériques ou non, permettent d'en découvrir les rudiments sans se donner trop de mal, d'autant plus que la loi binomiale est au programme. La philosophie du programme de proba-stats est d'ailleurs (à mon sens) une absurdité du point de vue du mathématicien : on aborde les probabilités à partir des statistiques en approchant les lois de probabilité par des fréquences statistiques ou des histogrammes ; le travail du mathématicien reste encore et jusqu'à nouvel ordre un travail de conceptualisation sur une base d'éléments acquis empiriquement en essayant justement de se débarrasser des prérequis expérimentaux afin de réinvestir les méthodes dans des utilisations nettement plus performantes. Evidemment si on va par là on pourrait dire qu'il faut d'abord faire la théorie de la mesure, puis celle de l'intégration, appliquer aux probabilités et finir sur les statistiques ; ce programme n'aurait aucun sens au niveau du lycée, mais le réinvestissement des techniques d'intégration acquises en Analyse dans le calcul des probabilités continues suivi de l'utilisation des lois usuelles dans les situations statistiques peut donner un aperçu de l'unité des mathématiques et des outils qu'elles mettent à la disposition de tous. Pour faire une comparaison avec un autre thème important, on ne voit pas très bien comment se sortirait la dérivation de ce type de méthode...

La philosophie sous-jacente à ce type de situations fait un peu penser à celle de Faust : il y a une difficulté conceptuelle (les lois continues) qui doit être surmontée d'une manière ou d'une autre : achetons au Diable (la méthode expérimentale) une méthode empirique en espérant qu'elle permettra d'accéder au Nirvana du concept, malheureusement la vente de son âme rend le futur mathématicien aveugle à tout ce qui n'est pas expérimental... il en conclut donc que mis à part l'expérimentation point de salut ! N'insistons pas sur les risques encourus avec ce genre de méthode. On peut penser que l'auteur de ces lignes n'a pas peur de la contradiction (d'un côté le manque expérimental avec la radioactivité, de l'autre le trop expérimental avec les probas...), mais il est clair que les deux situations sont bien différentes : dans un cas il s'agit d'un problème de physique où à la suite de diverses expériences on propose un modèle qui s'adaptera plus ou moins bien à la réalité, de l'autre il s'agit d'un problème de mathématiques où l'expérience doit laisser le pas le plus rapidement possible à la théorie qui seule permettra de construire les modèles nécessaires à la physique. Il est absolument impossible de découvrir les lois de probabilités à partir de la seule expérimentation, seule la maîtrise des principales notions le permet. Un simple exemple montrera que l'expérimentation n'est certainement pas une solution : les cours de bourse ont des comportements dont on cherche toujours les mathématiques sous- jacentes alors que les résultats expérimentaux sont légion...

L'exponentielle : la présentation de exp par la méthode décrite ici est fort intéressante car elle met bien en valeur l'importance des suites dans l'Analyse avec toutes les implications que cela comporte. L'ordre historique d'apparition de exp comme réciproque de ln disparait au profit de l'apparition de exp comme limite naturelle de fonctions puissance, ce qui autorisera par la suite le développement des fonctions en série, la continuité, etc. sous une forme moins artificielle. Ceci dit la réalisation pratique de cet objectif au niveau de la classe de TS risque d'être difficile à mettre en oeuvre... Il est clair que pour boucler le programme les démonstrations présentées sont lourdes, peu attrayantes et longues à développer ; les points importants me semblent être la méthode d'Euler comme présentation et l'apparition des puissances : y'=y donne facilement y(nh)=(1 + h)ny(0) d'où en posant h=x/n : . Même avec des valeurs grossières de h on obtient rapidement des courbes convergentes.
Si on prend alors , on peut partir sur le développement du binôme pour obtenir quelques propriétés simples : par exemple                                     
Pour la propriété exp(x+y)=exp(x)exp(y) on peut essayer avec

                        

où le terme devient petit devant les autres termes (on peut utiliser la propriété P). Par passage à la limite on retrouve exp(x+y)=exp(x)exp(y).