Le produit vectoriel

 

 

 

1. Définitions

2. Petites applications

2-a : Physique

2-b : Distances

3. Fonctions vectorielles

4. Courbure et accélération

5. Où l’on retrouve Newton et Kepler

 

fichier au format PDF

 

1. Définitions

Si nous nous plaçons dans le plan et que nous souhaitons savoir si deux vecteurs sont colinéaires ou non, nous savons que leurs coordonnées doivent être proportionnelles :

 ;

la quantité

s’appelle alors le déterminant des deux vecteurs. Si on regarde maintenant le produit scalaire de deux vecteurs :

et que l’on remplace par les coordonnées on a

.

Changeons maintenant le vecteur  en  de sorte que

 ;

les coordonnées de  sont alors b2 et – b1, quand à l’angle il devient

.

De plus on sait que   d’où en remplaçant :

Remarquons également que le déterminant donne l’aire du parallélogramme engendré par les vecteurs  et  (la hauteur est … et la base est … d’où …).

Enfin lorsqu’on regarde si deux droites sont sécantes ou non on est amené à résoudre le système

dont on montre (facilement) qu’il a des solutions si le déterminant

 du système n’est pas nul ; dans ce cas les solutions sont

avec

(système de Cramer).

Plaçons nous maintenant dans l’espace à 3 dimensions. Pour voir si un vecteur est colinéaire à un autre les remarques précédentes restent valables, de même que les histoires de cosinus et sinus (à l’intérieur du plan généré par les vecteurs). Par contre en dimension 3 il faut également savoir si un vecteur peut s’exprimer comme combinaison linéaire de deux vecteurs :  peut-on trouver  et  tels que  ; si on peut trouver ces deux nombres le vecteur  sera dans le plan engendré par  et , si on ne peut pas les trois vecteurs seront colinéairement indépendants et formeront une base de l’espace. Ecrivons ceci avec les coordonnées :

 .

Lorsqu’on essaie de résoudre avec la méthode de Cramer, on obtient  et  avec les deux premières lignes (par exemple) et on remplace dans la troisième, ce qui donne

.

Comme on ne veut pas de solutions, il faut que cette relation ne soit pas valable, il faut donc que  dont on montre (facilement) qu’elle est équivalente à

Cette dernière relation se calcule plus aisément si on considère le déterminant 3x3 donné par

,

obtenu en faisant les produits des diagonales de gauche à droite puis de droite à gauche (avec permutation circulaire).

De même ce déterminant vaut , soit le produit scalaire entre le vecteur  et le vecteur

 (2).

Si ce déterminant est nul, le vecteur  est dans le plan engendré par  et  et est orthogonal à , ce dernier est donc orthogonal à tous les vecteurs du plan P(, ), c’en est un vecteur normal.

On voit clairement l’intérêt de pouvoir trouver un vecteur orthogonal à deux vecteurs donnés et ceci pour un tas de raisons :

cherchons par exemple l’équation d’un plan passant par 3 points non alignés A, B et C : on calcule les coordonnées des vecteurs , on  cherche alors le vecteur  comme il a été défini en (2) et on fait le produit scalaire , c’est tout. De même cherchons l’angle entre deux plans : on cherche un vecteur normal à chacun des plans, on calcule l’angle des deux vecteurs, c’est fini. On voit que d’un point de vue géométrique l’obtention de  est très intéressante, mais elle l’est également dans d’autres domaines comme nous allons le voir.

Quelques propriétés remarquables du produit vectoriel

On appellera donc produit vectoriel ou produit extérieur des vecteurs  et , le vecteur noté

et défini comme en (2). La première notation est la notation internationale due à Gibbs (que nous utiliserons), la deuxième la notation française (due à Burali-Forti).

Regardons de suite ce que donne le p.v. sur les vecteurs de base :

, ,  ;

par contre

.

Quand on oriente l’espace on n’a pas beaucoup de choix possibles, par exemple sur la figure ci-dessous pour deux vecteurs  et  donnés, soit  est dirigé vers le haut, soit vers le bas.

 

 

Historiquement ce sont les physiciens qui ont utilisé les premiers le p.v. : lorsqu’un courant électrique parcourt une boucle en allant de   vers comme sur la figure, il crée un champ magnétique perpendiculaire à ces deux vecteurs et orienté « vers le haut » ; aussi on a décidé de dire que le sens direct était celui-ci, le sens indirect celui « vers le bas ». C’est Ampère qui le premier a suggéré l’analogie du tire-bouchon ou du « bonhomme d’Ampère », mais en fait c’est très simple.

Il est un peu plus délicat de montrer que l’espace ne peut être orienté que de ces deux manières : toutes les autres orientations possibles (i.e. le choix de repères orthonormés ou plutôt de trièdres) ne peuvent se faire que par rotation (même orientation) ou symétrie (orientation opposée) or ce sont les composants de base des isométries de l’espace.

Le résultat  montre alors que dans le p.v. le vecteur résultat forme un trièdre direct avec les vecteurs de départ :  donc  est direct. Enfin la norme de  est donnée par la norme de (2), ce qui est assez laid, mais on montre qu’elle vaut

soit l’aire du parallélogramme construit sur les deux vecteurs.

En effet en faisant les calculs, on aboutit à

d’où

 avec .

A partir de la définition (ou par de simples raisonnements géométriques) on montre également les propriétés suivantes :

 et plus particulièrement le p.v. de deux vecteurs colinéaires est nul ;

, ,  et pareil pour l’autre côté ;

, .

Attention, pour les dernières relations, le produit scalaire est un réel… par contre le produit mixte

donne le volume du parallélépipède construit sur les trois vecteurs . Remarquez également que le p.v. n’est pas associatif.

 

2. Petites applications

2-a :  Physique

Prenons une tige OP de l’espace fixée en O que l’on soumet à une force , cette force aura pour effet de faire tourner P autour de O ou de l’axe OT ; le vecteur  est le couple de  ou vecteur moment par rapport à O. Ce couple est alors donné par  dont les caractéristiques fournissent le sens de rotation, la direction et l’intensité.

De même en électricité un dipôle électrique est constitué de deux charges +q et –q placées en M’ et M à une distance d l’une de l’autre ; le moment du dipôle  est défini par . Si on place ce dipôle dans un champ électromagnétique uniforme , le dipôle va se mettre à tourner pour s’aligner dans la direction du champ ; le couple  créé par  en M est donné par  et le travail effectué par  pour aligner le dipôle est .

 

couple

dipôle

2-b :  Distances

Prenons un plan P(ax+by+cz+d=0) et un point Q(x0, y0, z0) alors la distance de Q à P est la longueur du vecteur normal à P passant par Q. Un vecteur normal à P est , un vecteur normal et normé à P est

 ;

prenons M(xyz) sur P, la distance cherchée est alors

.

 

 

Plus compliqué : cherchons la distance entre deux droites d et d’ : il nous faut trouver un vecteur  qui soit orthogonal aux vecteurs directeurs  et  des droites d et d’. Il est immédiat que  remplit ces conditions d’orthogonalité, normons-le en prenant

.

On recommence comme dans le cas précédent en prenant deux points P (sur d) et Q (sur d’), la distance cherchée est alors la projection de  suivant , soit

(faire le lien avec le produit mixte).

 

3. Fonctions vectorielles

Un des grands intérêts du produit vectoriel est de pouvoir s’utiliser dans l’étude des fonctions vectorielles dans des espaces à un nombre quelconque de dimensions. Limitons nous pour l’instant à la dimension 3, nous généraliserons ultérieurement.

Considérons donc deux fonctions

 et

dont les composantes sont des fonctions continues et dérivables (pour simplifier les écritures le (t) sera sous-entendu) et cherchons la dérivée de  :

 ;

supposons que par hasard la formule de dérivation du produit soit encore valable pour le produit scalaire :

,

il nous faut calculer le membre de droite :

et nous trouvons bien la même chose.

Posons nous la même question pour le produit vectoriel :

les … sont laissés en démonstration au lecteur.

Allons un peu plus loin : le vecteur

 représente en général le vecteur tangent à la courbe définie par la fonction  et il est souvent intéressant de connaître l’angle entre les deux ; calculons donc

.

Supposons que , c= constante, alors , dérivons :

donc les vecteurs sont orthogonaux ; on retrouve en fait le mouvement circulaire. La réciproque est immédiate : si les vecteurs sont orthogonaux, le p.s. est nul, donc en intégrant on retrouve .

Les règles de calcul sur les intégrales sont-elles encore valables ? Eh bien oui, on définira l’intégrale d’une fonction vectorielle comme pour une fonction scalaire en définissant l’intégrale sur chacune des composantes ; particulièrement si on a

 alors

 est une fonction vectorielle constante.

 

4. Courbure et accélération

Nous avons vu à la fin du chapitre Fonctions des expressions donnant le centre du cercle osculateur et du rayon de courbure pour des courbes planes, les formules obtenues étant rien moins que sympathiques… Nous allons regarder ce qu’il se passe dans l’espace, ce qui nous donnera des formules beaucoup plus agréables.

Dans le cas d’une courbe paramétrée de l’espace comme définie plus haut la variable t (représentant en général le temps) mesure en fait de quelle manière un point se déplace sur la courbe (C) représentée par la fonction . Prenons une origine A sur (C) et mesurons la longueur (algébrique) d’arc, s, parcourue par un point M depuis A : s=longueur de  ; le point M peut alors être entièrement caractérisé par s, on a paramétré la courbe (C) par des fonctions de s, s étant l’abscisse curviligne de M.

A un endroit quelconque M de (C) le rayon vecteur  s’exprime donc par des fonctions de s :  et le vecteur tangent également :

 ;

calculons la norme de ce vecteur :

(un petit élément de courbe a pour longueur

pour la norme euclidienne). La paramétrisation de (C) est alors dite normale.

En général le rayon de courbure de (C) à un endroit donné est R tel que

et la courbure K telle que

  est l’angle intercepté par le morceau de (C) de longueur ds sur le cercle de rayon R. Cherchons une expression de K :

puisque , donc constant, le vecteur  est orthogonal à  (supposé non nul)

 

Dans le plan contenant ces deux vecteurs, on peut considérer que

d’où sa dérivée par rapport à s donne

dont la norme vaut ; nous avons donc

et le vecteur

est normé (appelé normale principale). Deux vecteurs normés orthogonaux dans l’espace, voilà qui devient sympathique, d’autant plus que la dérivée seconde (par rapport à s) a sûrement un lien avec l’accélération (dérivée seconde par rapport à t).

Nous avons deux vecteurs tangents à (C) en M :

 et  d’où  ;

mais la vitesse à laquelle (C) est parcourue est également le rapport distance/temps, soit ici

et on a

 .

Dérivons cette expression par rapport à t (en pensant à la dérivée des fonctions composées) :

ou encore en notant

 : .

Nous obtenons donc ici l’accélération du mouvement décomposée suivant deux vecteurs : le vecteur tangent et un vecteur normal à la tangente. On va bien sûr regarder ce que donnent le produit scalaire et le produit vectoriel de  et

 est la composante suivant  de l’accélération. On a donc :

ce dont on aurait pu se douter puisque  est la projection sur  de .

le premier terme est nul, la norme du second terme vaut 1 d’où

 et finalement en notant  la composante de  suivant  :

 et .

Ces relations restent entièrement valables dans le plan puisque dans ce cas

.

Le repère localisé qui se déplace avec le point M est appelé repère de Freinet.

 

5. Où l’on retrouve Newton et Kepler

 

Les deux lois de Newton s’écrivent donc :

pour la loi d’attraction des corps,  étant le vecteur normé colinéaire à , rayon vecteur du corps de masse m2 par rapport au corps de masse m1 situé en O, et  la relation fondamentale de la mécanique. En identifiant les deux relations, on a alors

,

nous avons donc .

Dérivons le produit vectoriel  :

qui est donc nul, chaque terme étant nul.

Conclusion, le vecteur  est un vecteur constant  orthogonal à  et , ce qui montre que la trajectoire de M est dans un plan (noté xOy sur la figure en orientant Oz comme )  et décrit une courbe plane.

Reprenons la méthode de Binet, mais en utilisant le produit vectoriel : en dérivant , nous avons

que nous introduisons dans  :

(1) .

Maintenant nous calculons

or

car les vecteurs sont orthogonaux et  ; finalement

.

 

Par ailleurs

,

il nous reste simplement à intégrer :

 est un vecteur constant. De plus  est dans le plan xOy de même que  donc  également. Comme les directions des x et des y ne sont pas intervenues, rien ne nous interdit de prendre un vecteur directeur de Ox dans la direction de , le vecteur  faisant alors un angle  avec  ; on a donc

,

,

d’où on tire

c et b sont des constantes, normes des vecteurs  et , que l’on peut calculer à l’aide des conditions initiales. On retrouve ainsi ce que nous avions obtenu avec les formules de Binet.

Avant d’aller plus loin montrons un résultat qui va nous servir : quand un point parcourt une courbe définie en coordonnées polaires,  alors l’aire balayée par le rayon vecteur pour  est donnée par

(rappelons que l’aire d’un secteur angulaire d’angle  (en radians) dans un cercle de rayon r est ).

En effet découpons la courbe suivant une division angulaire  avec  et , alors chaque secteur angulaire a une aire comprise entre

 et

 et  sont les angles correspondant au minimum et maximum de  sur chaque intervalle. En sommant on obtient une somme de Riemann qui tendra vers l’intégrale précédente.

 

Prenons maintenant notre point sur l’ellipse obtenue par la méthode que l’on veut et regardons la 2ième loi de Kepler : l’aire balayée par  pendant l’intervalle de temps [t0, t] est

ou encore avec la dérivée des fonctions composées :

comme

,

on a

 

d’où

 ;

reprenons le produit vectoriel :

et réutilisons (1) :

soit

qui est donc bien une constante. Les temps pendant lesquels des aires égales sont balayées sont donc égaux (même vitesse de balayage).

 

Pour la 3ième loi la démarche est identique à ce que nous avons vu dans le livre.