Désintégrations

 

 

 

1. Bref historique                                                2. Durée de vie sans vieillissement

3. Dérivés successifs                                           4. Le cas n = 1 : trop simple

5. Le cas n = 2 : équilibre radioactif              6. Le cas n = 3 : que des ennuis

7. Détermination des demi-vies

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1. Bref historique                                            début

La question de la désintégration radioactive date de 1896, moment où Henri Becquerel remarqua qu’un sel d’uranium placé dans l’obscurité au voisinage d’une plaque photographique y produit une impression (apparaissant après développement). Ce rayonnement provoque également la fluorescence de certains corps et ionise les gaz qu’il traverse, permettant ainsi de mesurer son intensité.

Quelques temps plus tard Marie Curie montra que les mêmes propriétés sont inhérentes aux sels de thorium. Dans tous les cas le rayonnement apparaissait spontanément, de manière continue et indépendamment des autres paramètres tels la température ou la pression.

Pierre et Marie Curie, ayant observé que certains minerais uranifères (particulièrement la pechblende provenant de St-Joachimstahl en Bohème) étaient plus radioactifs que ne le laissait prévoir leur teneur en uranium, réussirent à isoler après de longs mois d’un effort intense un peu de bismuth et de baryum. La radioactivité de ces derniers était due à la présence de deux éléments nouveaux : le polonium et le radium. Ce dernier, qu’on emploie habituellement sous forme de bromure ou de chlorure, est plusieurs millions de fois plus radioactif que l’uranium, mais on ne le trouve qu’en quantité très faibles (10 tonnes de pechblende pour 1 gramme de radium). Par la suite une quarantaine de corps se sont révélés radioactifs.

En 1934 Irène et Frédéric Joliot-Curie ont montré qu’il est possible de produire artificiellement d’autres éléments radioactifs dont les rayonnements sont tantôt comparables, tantôt différents de ceux des éléments naturels.

Pour davantage de détails sur la radioactivité :

                               http://promenadesmaths.free.fr/radio.htm

Sur l’histoire :

http://web.ccr.jussieu.fr/radioactivite/biographie/mariecurie.html

http://web.ccr.jussieu.fr/radioactivite/biographie/BioBecquerel.html

http://mariecurie.science.gouv.fr/accueil/homepage.htm

http://musee.curie.fr/

 

2. Durée de vie sans vieillissement                                             début

Le mécanisme de radioactivité est un phénomène étudié en probabilités sous le nom de durée de vie sans vieillissement :

un individu (ou une machine ou un atome radioactif…) suit une loi de durée de vie sans vieillissement lorsque la probabilité qu’il meure à l’instant t+h ne dépend pas du fait qu’il soit vivant à l’instant t. Cette situation ne s’applique évidemment pas à l’être humain mais se retrouve dans les phénomènes de désintégration radioactive () ou dans des situations de pannes électroniques.

Traduit en termes de probabilités conditionnelles, on a alors, si on note T la v.a. représentant la durée de vie d’un individu :

 (1)

ne dépend pas de t.

Avec t=0 on a  ( est certain) d’où  puisque (1) doit être valable pour tout t ; par ailleurs nous avons  par définition des probabilités conditionnelles :

,

or l’événement  (on ne peut pas vivre jusqu’à t+h si on ne vit pas jusqu’à t…)  d’où  et en notant  :

 avec .

Dérivons cette relation par rapport à t : h reste constant, donc  également et  ; , ce qui donne en faisant = 0 : , la fonction  est solution de l’équation différentielle

, avec y(0) = 1 et y’(0) = .

Nous trouvons alors  ; avec . 

Comme  est décroissante, , d’où en posant  la loi de probabilité : .

Si on cherche la probabilité que l’individu meure avant t, on a bien sûr .

Ceci est intéressant car on peut calculer directement la densité de probabilité :

 ;

dérivons :  d’où .

Calculons sa moyenne :  en faisant une intégration par parties ; cette moyenne représente la durée de vie moyenne et peut être déterminée expérimentalement.

Prenons l’exemple de la désintégration radioactive :  est la constante de désintégration  qui dépend de chaque noyau ; elle s’obtient par mesure de la période. On prend N0 atomes et on mesure au bout d’un temps T le nombre N1 d’atomes du même type restants, on a alors

.

Par exemple pour le 14C on a  pour T=5730 ans (période ou demi-vie) , soit

et  (il est évident que l’on n’attend pas 5730 ans, mais quand on a T et k on a « facilement »  ).

3. Dérivés successifs                                               début

Si on reste dans le domaine de la radioactivité (mais on peut appliquer la méthode à d’autres situations), lorsqu’un atome radioactif se désintègre il produit d’autres atomes dont certains sont également radioactifs ; ces derniers peuvent alors se désintégrer et produire d’autres atomes radioactifs, etc…

Par exemple le radium se désintègre en atomes de radon (Rn) qui donne du radium A et de l’astate (At), le radium A est radioactif, etc. En fait dans le cas du radium, ce dernier est lui-même un sous-produit de la décomposition d’un isotope de l’uranium. La chaine de désintégrations dans ce cas est la suivante (on a indiqué s’il s’agit d’une désintégration , soit la perte d’un atome d’He, ou , soit la transformation d’un neutron ou d’un proton).

 

 

puis ça se complique :

 

.

 

La mathématisation de ces désintégrations va passer par la même méthode que précédemment, à ceci près que nous allons avoir une succession d’équations différentielles dépendant les unes des autres. Le  nombre d’atomes du produit initial 1 suit l’équation  ; le sous-produit numéro 2 va augmenter alors de  et diminuer de , ce qui donne .

A l’ordre k on a de même  ; le dernier produit de désintégration quand à lui est régi simplement par  ; les conditions initiales sont ,  pour tout k différent de 1.

Le premier réflexe est d’utiliser la méthode d’Euler dont nous savons qu’elle donne d’assez bons résultats sur ce type d’équations linéaires. Nous avons ici la désintégration du radium A (produit lui-même de la désintégration du radon, mais ce dernier étant un gaz on peut isoler facilement ses résidus radioactifs) en radium D (qui n’a pas de radioactivité  et « termine » ici notre chaine).

fig. 1 : méthode d’Euler - trois corps radioactifs

 

Sur un plan plus strictement mathématique on a un système d’équations linéaires que l’on peut résoudre soit par les méthodes algébrico-analytiques classiques (on peut traiter le problème directement mais c’est assez fastidieux… enfin ça ferait un bel exercice de Terminale S), soit par exemple par la transformée de Laplace.

Nous utilisons cette méthode en notant  la transformée de Laplace (T. L.) de la fonction  :

, z complexe.

Une petite intégration par parties nous permet d’écrire que

.

En appliquant ceci au système d’équations nous avons en tenant compte des conditions initiales :

se transforme en

,

soit un système linéaire dont la résolution donne

La T.L. inverse va nous donner les fonctions N : ,

 

 et .

 

Ces dernières intégrales se calculent en effectuant une décomposition en fractions rationnelles des produits et en utilisant  ainsi que . On peut également utiliser la méthode des images réciproques puisqu’on connaît la T. L. inverse des fonctions

.

Pour préciser un peu tout ça regardons quelques cas.

 

4. Le cas n = 1 : trop simple                                              début

C’est vraiment le cas le plus simple, on obtient très facilement  et  ce qui donne par la T. L. inverse  et .

Il est bien évident que plus le temps passe moins il restera de produit radioactif et plus il y aura de produit de décomposition. Comme ce dernier est stable sa quantité va tendre vers N0.

fig. 2 : croissance et décroissance

 

5. Le cas n = 2 : équilibre radioactif                                             début

On obtient les T. L. : ,  et .

Pour N1 on trouve la même solution que précédemment : , pour N2 on a facilement . Pour N3 on écrit  d’où

.

Dans le cas du radium et du radon  et on peut admettre que pendant la durée d’une expérience N1 reste stable, soit  et  ; on a alors . La masse du radon augmente progressivement vers une limite  (voir également dans Encyclopedia Universalis, article Radioactivité, demi-vie).

Lorsque cette limite est atteinte (ou quasiment) on dit qu’il y a équilibre radioactif entre Ra et Rn. Le radon, se désintégrant également, se trouvera au bout d’un certain temps en équilibre radioactif avec son dérivé le radium A et ainsi de suite. Lorsqu’un corps comme le radium est en équilibre radioactif avec ses dérivés dont l’évolution est beaucoup plus rapide que la sienne il prend assez vite une radioactivité globale pratiquement constante.

Pour le cas ici étudié on a une demi-vie pour le radium de 1620 ans et donc  et une demi-vie du radon de 3,82 jours, soit , on a donc  : la limite sera vite atteinte pour Rn (à 38 jours on est à 99% de la limite) et Ra continuera tranquillement à se désintégrer pendant de nombreuses années.

fig. 3 : désintégration du radon (pendant tout ce temps le radium reste quasiment à 1)

 

6. Le cas n = 3 : que des ennuis                                             début

En fait les deux cas précédents sont en général suffisants et l’étude qui suit est vraiment faite pour le plaisir mathématique d’utiliser la T. L qui donne des solutions sans grand effort… Ceci nous permettra de voir que la méthode d’Euler donne ici de bons résultats.

Les deux fonction  et  sont les mêmes que précédemment, seules  et  changent :

a, b et c sont indéterminés. On obtient alors après résolution :

et . La méthode est encore la même, ce qui donne

et

.

La symétrie d’écriture obtenue permet d’écrire les formules pour n’importe quel rang évidemment.

Représentons de nouveau l’exemple de la fig. 1

fig. 4 : quatre produits, tout va bien

On voit ici que le rayonnement d’un mélange de tels éléments dépend à chaque instant du nombre d’atomes de chacun d’eux présents, de leur demi-vie et de la nature des rayons primaires et secondaires émis. Dans l’exemple ci-dessus on s’est arrêté au radium D car la chaine de désintégration réelle est la suivante :

.

 

fig. 5 : activité totale

Le radium D ayant une demi-vie de 25 ans on peut le considérer stable par rapport aux autres produits. Le produit Ra C’’ ayant une demi-vie extrèmement courte va disparaître très rapidement et on n’en tient pas compte. L’essentiel du rayonnement est ici dû essentiellement aux composés A et C’ : à l’instant où on sépare du radon le corps considéré, il disparaît dans le même temps un même nombre d’atomes de radium A, B, C et C’ en raison de l’équilibre radioactif. Les activités initiales de Ra A et Ra C’ sont les contributions principales au début, Ra C’ disparaît rapidement mais est refabriqué par désintégration de B en C puis en C’ et il fadrait reprendre les calculs précédents pour tenir compte de tout cela.

Il est clair qu’en général les choses ne sont pas si simples et l’interprétation des résultats bruts demande beaucoup d’efforts… d’autant plus qu’il existe de nombreux cas encore plus compliqués.

 

7. Détermination des demi-vies                                              début

Si on peut isoler le corps dont on cherche la demi-vie il est évidemment simple de faire cette détermination, quoique ce ne soit possible que lorsque la demi-vie est comprise entre quelques minutes et quelques années, malheureusement dans ces cas là on ne dispose que de peu de matériau pour effectuer le dosage. Lorsque la demi-vie est très longue un dénombrement des particules émises dans un temps connu par une masse connue permet cette détemination (U, Th, Ra).

Lorsque les corps sont en équilibre radioactif on connaît le rapport des demi-vies (cas n = 2) auquel cas la connaissance d’une seule donne l’autre. Par exemple dans les plus vieux minerais d’uranium il y a équilibre entre U et Ra dans la proportion  ; connaissant la demi-vie du radium, , on a  .

Les physiciens Geiger (celui du compteur) et Nuttal ont trouvé une loi empirique reliant le parcours dans l’air normal S des particules a émises par un élément et la constante l de cet élément :

A est une constante liée à la série radioactive à laquelle appartient l’élément et B une constante identique pour tous les radioéléments. On a donné une justification théorique à cette loi qui permet d’évaluer la demi-vie des émetteurs a à désintégration rapide.

 

 

Bibliographie

P. Fleury, J.P. Mathieu, Atomes, Molécules, Noyaux, Ed. Eyrolles, Paris, 1963

I. N. Sneddon, Fourier transforms, Dover inc., New-York, 1995 (réédition de 1951)

N. Boccara, Distributions, Ellipses, 1998

E. Universalis, Radioactivité, Edition électronique, 2004.

G. Demengel, La transformée de Laplace et ses applications, Ellipses, 2000

 

Internetographie

Sur la radioactivité

http://chimge.unil.ch/Fr/nuc/1nuc0.htm

http://membres.lycos.fr/bnathalieb/ divers/radioactivite/texte.html

http://www4.ac-lille.fr/~math/NouvProgTS-2002/ DocumentsTS/desintegration-radioactive.doc

 

Sur la Transformée de Laplace :

un site remarquable et des explications simples pour une utilisation immédiate :

http://www.sciences.univ-nantes.fr/physique/perso/blanquet/conducti/cddex.htm