accueil

Fichier Pdf

 

Approcher la loi Normale

 

La question est abordée sous forme de problème. La solution a été préparée pour le livre
Antisèches Mathématiques de Terminale S
mais est généreusement fournie ici.

 

 

Pierre Simon de Laplace fut un des premiers à utiliser les probabilités continues : on lui doit de nombreux résultats mathématiques dont certains obtenus expérimentalement !

 

Une question d’orthographe : depuis que j’enseigne j’ai toujours eu un doute sur l’orthographe de  bino(ô)mial(e) ; quelques recherches succintes m’ont permis de voir que ce n’était pas si simple :

Depuis la dernière réforme de l’orthographe il n’y a pas de règle absolue pour la disparition ou non de l’accent circonflexe entre un mot et le substantif fabriqué à partir de lui :

tôle, tôlier ; pôle, polaire ; cône, conique ; soûler, soûlard…

Voici quelques orthographes pêchées au hasard :

binome : Appell, 1900 (Poincaré à la même époque n’utilise pas le terme) ; Chassé, Pavé, 1975. L’usage dans les manuels est d’utiliser binôme.

binômial : Angot, 1972, l’usage est d’utiliser binomial.

Le mot binomial (ou binômial) n’existe pas dans le dictionnaire de l’Académie Française, non plus que dans le Grand Robert, non plus que dans le Trésor de la Langue Française. On le trouve par contre dans le Larousse, sans accent.

B. Hauchecorne à propos de binôme et autres « nômes » fait la remarque qu’ils devraient en toute rigueur s’écrire *-nome. (Les mots et les Maths, ed Ellipses)

D’ailleurs l’Académie Française recommande la suppression dudit accent lorsque sa signification n’est pas claire (particulièrement avec i et u), ce qui semble bien le cas ici. Dorénavant je ne mettrai plus d’accent…

http://www.academie-francaise.fr/dictionnaire/

 

1. En utilisant la méthode d’Euler sur l’équation différentielle y’ + xy = 0 (1) avec y(0) = 1 on a obtenu la courbe suivante sur [−3 ; 3] :

a. Soit h>0, montrer que l’équation (1) donne  la relation .

b. En partant de = 0, montrer que cette relation devient .

c. On pose  ; donner alors l’expression de y(x) en fonction de x et n.

d. En utilisant la définition de la fonction exponentielle, montrer que . Montrer que cette fonction est paire ; qu’en déduit-on pour la résolution de (1) lorsque < 0 ?

e. Etudier la fonction  sur  et dresser son tableau de variations.

 

On voit sur la figure précédente que la fonction change de courbure en deux endroits (entre
−2 et −1 puis entre 1 et 2) ; ceci signifie que pour certaine valeurs elle est au-dessus de sa tangente et pour d’autres elle est en dessous. Nous allons chercher les points où cela se produit d’une manière générale puis dans ce cas particulier.

 

2. Soit f une fonction quelconque définie et dérivable au moins deux fois en un point a ; g la fonction représentant sa tangente en a.

Considérons la fonction u(x) = f(x) − g(x) définie par .

a. Vérifier que .

b. On suppose que  sur un intervalle = [x1 ; x2] contenant a ; en déduire le tableau de variation de u’ puis celui de u sur I (on pensera à calculer u’(a) et u(a)…). Déterminer alors le signe de u.

c. Recommencer la même manœuvre lorsque .

d. En déduire un théorème indiquant les positions relatives de la courbe de f  et de sa tangente en a.

e. Utiliser ce théorème pour préciser les points où la fonction f du 1. change de courbure (on appelle ces points des points d’inflexion). Tracer les tangentes à la courbe de f en ces points puis tracer la courbe de f.

f. On modifie la fonction f en effectuant une translation et une homothétie sur les x : on considère alors

a et b sont deux constantes. Préciser alors les trois points caractéristiques de la courbe de F : maximum et points d’inflexion. Faire quelques tracés avec diverses valeurs de a et b. Comment doit-on choisir b si l’on veut que la distance entre les points d’inflexion soit égale à 1 ?

3. On considère maintenant la suite  où p est un réel compris entre 0 et 1, n un entier fixé et k un entier variant entre 0 et n.

a. A l’aide de votre calculatrice ou d’un tableur représenter les termes de la suite vk dans les cas suivants :

                         n = 5, = 0,5            = 5, = 0,2

                         n = 20, = 0,5          = 20, = 0,2

                         n = 100, = 0,5       = 100, = 0,2.

Que pensez-vous des représentations obtenues ? Démontrez que .

b. On note 1 − q ; montrez que  puis que .

En déduire que  lorsque . Notons  l’entier le plus proche de np ; que peut-on dire de ?

c. On va chercher une « dérivée » de la suite vk  en calculant le taux d’accroissement  : montrez que ce taux vaut .

d. On pose  et  ; vérifier que , qu’en déduit-on sur la convergence de xk  ? Vérifier de même que .

e. En admettant que lorsque n tend vers l’infini la suite yk+1 − yk tend vers dy, que xk+1 − xk tend vers dx, que xk tend vers une valeur x et  yk vers une valeur y, on a alors : , soit l’équation différentielle du début !

Conclure alors que  yk peut se représenter par une fonction de la forme K.F du 2.f. (K est une constante que l’on ne cherche pas) et donner une expression de vk.

 

 

Solution

1.  ; calculons les dérivées :

,  ;

on a donc le maximum en  et  ; quand aux points d’inflexion ils sont obtenus pour .

La distance entre les deux points est  ; pour que cette distance vaille 1, il faut .

2. a. Nous avons représenté la suite vk pour n = 5, 20 et 100 ; en trait plein lorsque p = 0,2 et en pointillé lorsque p = 0,5.

 

 

 

On constate que plus n augmente plus la courbe ressemble à la fonction de Gauss mis à part le fait qu’elle soit décentrée. Comme la loi binomiale a pour moyenne np, cette quantité dans le cas où n = 100 vaut 20 pour p = 0,2 et 50 pour p = 0,5 ; on voit bien que cela correspond au maximum de chaque courbe.

 

Pour retrouver la fonction de Gauss il faut donc faire une translation de np vers la gauche.

L’autre paramètre important est l’écart-type, qui vaut pour la loi binomiale  qui correspond à l’écart entre les points d’inflexion ; il faudra alors faire en plus une homothétie sur les x pour ajuster correctement.

Reprenons  : la somme des termes est le développement du binome de Newton avec a = p, b = 1 − p, on a donc .

 

b. On a  après simplification (il vaut mieux utiliser cette écriture sinon les calculs sont très pénibles).

Pour simplifier l’écriture notons  : ,  ; remarquons alors que  ; par ailleurs

 d’où .

Simplifions maintenant l’intérieur de la parenthèse donnée dans l’énoncé :

 ;

la relation est prouvée.

 

c. . On retrouve au numérateur le terme  dont le signe donne le sens de variation de .

d.  ;  ; quand n tend vers l’infini ce terme tend vers 0 donc xk converge (la distance entre deux termes consécutifs tend vers 0).

e.  tend donc vers une limite x et  tend vers une limite y, solution de , on a alors  qui est bien de la forme requise avec a = 0 et . Si on revient à  il faut remplacer x et y par  et  (étant sous-entendu qu’on est à la limite) :

.

Pour calculer la valeur de K il faut utiliser  (ce qui est quasiment impossible) ou (en repassant en x et y) trouver K de sorte que :  (ce qui n’est pas simple non plus mais qui se fait).

.

On a  si .

p − 1 est forcément petit : au plus il vaut 0, au moins il vaut −1 ; on a donc .

Si on prend l’entier le plus proche de pn, c’est la valeur de k pour laquelle  change de sens de variation. En quelque sorte c’est la valeur de k pour laquelle la loi binômiale est maximale et  est son maximum (remarquez que np est la moyenne de la loi binômiale).

Ci-dessus sont tracés les  d’origine (loi binomiale, n = 100, p = 0,2) en pointillés et les nouveaux  (loi de Laplace-Gauss) en trait plein.

La différence de hauteur provient bien sûr du facteur K que l’on obtient facilement en faisant la somme des  avec le tableur.

On trouve  alors  ; élevons cette valeur au carré (à tout hasard bien sûr) :

Depuis le temps que vous faites des maths vous avez reconnu tout de suite…  ! Eh oui, notre coefficient K vaut  .

Voilà notre petit voyage au pays de la loi de Gauss s’achève ici : cette loi représente alors une densité de probabilité pour une v.a. x, limite d’une loi binomiale B(n, p) ; sa moyenne est alors , son écart-type est  et on calcule la probabilité de l’événement [a ; b] en faisant

.

On ne sait pas intégrer la fonction de Gauss, aussi les valeurs sont données par des tables ou par des fonctions dans le tableur (LOI.NORMALE(…))

Cette loi se retrouve fréquemment car il existe un théorème (théorème de la limite centrale) disant que si vous prenez une suite de v.a.  de loi quelconque indépendantes, de moyenne  et d’écart-type  alors la moyenne arithmétique de ces v.a. :  tend vers une loi normale de moyenne  et d’écart-type .

Par exemple si chaque v.a. représente la taille d’un individu, la répartition de ces tailles suivra une loi normale.

Pour aller plus loin le lecteur se référera au chapitre 12 : probabilités et statistiques de Promenades Mathématiques.