Trisection de l’angle et duplication du cube

 

On prend un angle  que l’on souhaite tripler. A partir d’un point B quelconque sur [OY) on trace le cercle de rayon OB qui coupe [OX) en A et [OY) en D. Le cercle de centre A et de rayon AB coupe [OY) en C et  on a .

 

La démonstration se fait très simplement avec les angles.

Réciproquement on suppose donc  connu et on cherche à construire  : on reprend la construction précédente à l’envers en construisant le cercle de centre A, de rayon AC ainsi que la perpendiculaire à (AX) passant par A. Le point D précédent est sur cette droite et le point O est à l’intersection de (CD) et (AX).

Par ailleurs on a DO = 2AC, à partir de D on construit le cercle de centre D de rayon 2AC, qui coupe (CD) en O’.

Lorsque O et O’ sont confondus on a évidemment .

La question est évidemment de construire correctement D de sorte que O et O’ soient confondus. Il s’agit d’un célèbre problème connu sous le nom de « problème de Pappus », bien que ce dernier n’ait fait que rapporter le travail de ses prédécesseurs. On l’énonce ainsi :

Construire une droite issue d’un point donné C sur laquelle un angle droit  découpe un segment de longueur donnée.

Viète dans son Isagoge in artem… le cite comme fondamental dans la subdivision des angles. Plusieurs solutions ont donc été apportées, nous regardons tout d’abord celle de Nicomède (probablement vers −200 mais on ne connaît rien d’autre sur lui…).

 

* Une méthode approchée de trisection : l’idée assez simple est de considérer la corde de l’arc de cercle correspondant à l’angle et de la couper en 3… Evidemment lorsque les angles sont petits la démarche est correcte grâce au fait que la corde de l’angle est le double du sinus de l’angle moitié qui est alors proche de l’angle, l’erreur étant d’ordre 3 ().

On prend le cercle trigonométrique,   et  ; on a  d’où  et  d’où .  Y a plus qu’à regarder ce que ça donne (globalement pas très rentable…).

 

1. Conchoïde de Nicomède

Ce dernier utilise une règle à glissière comportant une pointe sèche (u) et une pointe de tracé (w) tels que uw = OD = 2AC. Une pointe dans la glissière est fixée en C pendant que la pointe sèche u décrit la droite (AX’) ; la pointe w décrit alors une courbe dont l’intersection avec (AX) donne O.

La solution est élégante, la courbe utilisée est la conchoïde de Nicomède , conchoïde de la droite (AX’) par rapport au pôle C et de module m = uw.

On prend des coordonnées dans un repère de centre C et d’axes parallèles à (AX) et (AX’) :

A(d’, d) tels que , la droite (AX’) a pour équation polaire  et le point w a pour coordonnées polaires  qui est l’équation polaire de la conchoïde (assez facile également en coordonnées cartésiennes).

Si on échange les rôles respectifs de w et u (w se déplace sur (AX’)), on obtient alors une deuxième courbe  qui est en fait l’autre partie d’une même courbe : on passe en coordonnées cartésiennes en faisant  et , ce qui donne . Lorsqu’on revient en arrière on récupère les deux branches.

La courbe générale obtenue est la conchoïde d’une droite et d’un cercle dont le centre est au pôle.

Une autre utilisation de la conchoïde est la duplication du cube à savoir résoudre l’équation

(1) .

Posons , l’équation revient à  ; multiplions (1) par x et combinons les deux de manière à faire apparaître des identités remarquables :  et , soit en ajoutant :  puis

.

On a alors le rapport (2) :  qu’il s’agit de construire.

On prend un triangle rectangle OAB de sorte que OA = a et OB = b ; C le milieu de [OA], I le milieu de [OB] et D tel que OD = 2OB. On place un point M sur (OB) et on appelle OM = x.

 

 

On a alors  et  ; (2) devient alors .

Prenons la parallèle (d) à (DC) passant par O qui coupe (MC) en E : on a

.

Le problème revient donc à trouver une droite (CM) issue de C sur laquelle l’angle  découpe une longueur donnée (en l’occurrence OC), qui est donc la même question que précédemment.

Ceci dit on se doute bien (grâce à la trigo) que résoudre une équation de degré 3 et trisecter un angle va aboutir au même type de démarche.

Inversement on peut s’intéresser à la duplication du cube ainsi que l’a fait Dioclès de Carystos vers −180 (date supposée, textes perdus, mais on en parle davantage que de Nicomède).

 

2. Cissoïde de Dioclès

Citons H. Lebesgue : Dioclès a donné une solution plus naturelle du problème de la duplication du cube ou problème de Délos. La question porte encore le nom de problème des deux moyennes géométriques pour une raison qu’il importe d’expliquer. Ne disposant pas des signes de l’algèbre, les Grecs énonçaient en langage ordinaire la relation entre données et inconnues, comme on le fait encore en arithmétique élémentaire (on est en 1940). Ils utilisaient en particulier pour cela les trois médiétés (arithmétique, géométrique et harmonique) qu’ils avaient reconnues. A la relation de moyenne géométrique ils donnaient le nom de proportion et c’était celle-ci qui se rencontrait le plus souvent dans les énoncés.

 

L’essentiel des problèmes traités par les Grecs étant du second degré, les relations du type  liées à la moyenne géométrique s’y ramenaient automatiquement. Pour traduire l’équation  les Grecs utilisaient l’inconnue auxiliaire , ce qui donne . Il fallait donc insérer entre a et b deux moyennes géométriques x et y. On peut évidemment prolonger l’idée pour résoudre des équations de degré supérieur en introduisant davantage de termes.

On construit un rectangle OACB avec OA = a et OB = b ; on prend M sur (OB) avec OM = x ainsi que N sur (BC) avec CN = y. 

 

 Réécrivons les relations  avec les points de la figure :

 : pour que cela soit possible il faut pour respecter Thalès que E et D soient confondus avec A ; on a alors la figure suivante :

Par ailleurs  montre que  est droit. Ecrivons Pythagore dans ce triangle :

 et

d’où égalité dans notre cas. La nouvelle figure est alors la suivante (entièrement ajustée à la main) :

 

La droite (BQ) est alors parallèle à (AP) et on a  : ceci définit une cissoïde par rapport à (BN) et au cercle de diamètre [BM] relativement au pôle M. Evidemment comme on ne connaît pas M on est un peu limités… Prenons néanmoins un point m arbitrairement sur (OB) et traçons la cissoïde Γ (en vert les traits de construction, en rouge les deux branches de la cissoïde, en bleu le cercle de diamètre [mB]) :

On voit alors qu’en prenant le point A’ à l’intersection de (AB) et Γ, on construit un rectangle de côtés proportionnels à a et b, le reste de la figure étant également homothétisé, M venant alors en m. Dans la relation , si on multiplie toutes les grandeurs par un facteur k on ne change rien : , par conséquent la solution ne dépend pas de m (comme le dit Marcel Berger : nous ne connaissons notre Univers qu’à une similitude près…).

Citons une nouvelle fois H. Lebesgue : « Pour que la solution de Dioclès put rivaliser avec celle de Nicomède, il aurait fallu imaginer un instrument permettant de tracer la cissoïde de Dioclès. Or cela ne fut fait que par Newton qui utilisait les courbes de Nicomède, de Dioclès, et une autre courbe, la strophoïde, pour la résolution des équations du troisième et quatrième degré. »

 

3. Strophoïde

The right strophoid first appears in work by Isaac Barrow in 1670, although Torricelli describes the curve in his letters around 1645 and Roberval found it as the locus of the focus of the conic obtained when the plane cutting the cone rotates about the tangent at its vertex (Mac Tutor)

 

Ceci dit c’est encore une cissoïde d’un cercle G de centre C passant par le pôle O et d’un diamètre (d) de G. Dans le cas où (OC) est orthogonal à (d) la strophoïde est dite droite.

 

On se place dans le cas général : une droite issue de O coupe G en m et (d) en n ; la courbe est l’ensemble des points M, M’ tels que OM = OM’ = mn. 

La droite (CM) coupe la parallèle (d’) à (d) passant par O en Q ; la parallèle à (OM) passant par C coupe (d’) en A.

Le triangle MCN est isocèle et donc par parallélisme des côtés il en est de même de MQO. Comme (CA) est parallèle à (OM), le trapèze CMOA est isocèle et ses diagonales ont même longueur. Par conséquent AM = CO = r, rayon du cercle ; de plus les angles  et  sont égaux et comme ce dernier est constant , on a  constant (vous pouvez trouver a en fonction des autres paramètres).

L’intérêt ici est d’avoir une construction mécanique de la strophoïde à l’aide d’une équerre comportant un angle a en z ; le sommet de l’équerre se déplace sur (d’) et le grand côté de l’équerre pivote autour de C (les deux triangles bleus forment l’équerre complète, on n’est pas obligé de prendre un angle droit en u d’ailleurs ; pour construire u, construction de l’arc de cercle, ensemble des points u tels que ).

On peut construire un appareil utilisant cette propriété (voir une photo sur

http://www.mathcurve.com/courbes2d/cubiccirculairerationnelle/cubiccirculairerationnelle.shtml)

 

 

 

 

 

 

Venons en à notre question : prenons N le milieu de [MA] et K le milieu fixe de [CO], (NK) est parallèle aux bases du trapèze CMOA et  ; la parallèle à (CM) passant par O coupe (KN) en D et (d’) en B. On a alors KN = DB ou encore BN = KD. Le lieu de N est alors la cissoïde définie à partir de (d’), la courbe de D et le pôle K.

Or D se déduit du milieu F de [CM] par une symétrie de centre K ; F décrivant évidemment une strophoïde (homothétique de M), D en fait autant : il décrit donc une strophoïde définie par (d’), le cercle de centre O passant par K, et le pôle K. On a donc

.

Pour N on a :  ; prenons alors la droite (OB’) parallèle à (d’) et passant par le symétrique O’ de K par rapport à O :

.

Le lieu de N est donc la cissoïde définie par la  droite (OB’), le cercle de centre O de rayon OK et le pôle K.

Au cas où l’angle a est droit M décrit une strophoïde droite et N une cissoïde de Dioclès que l’on peut tracer au moyen d’une équerre droite. Pour les autres on utilise l’équerre décrite précédemment.

Il peut être intéressant de reprendre tout ceci par le calcul : on prend un repère de centre O, C(a ; b), OC = 1 (donc ) , G a pour équation , (d) a pour équation x = a, la droite (Om) , soit  d’où  ; on a donc  (et M’ à l’opposé).

On remarque donc que  et en élevant au carré :

 d’où en isolant y :

.

Si on choisit un repère différent l’équation sera évidemment différente… mais on arrive en général à exprimer y en fonction de x.

L’angle  est donné par  ce que l’on doit retrouver dans  : comme , xA = 0, ,  et  :

.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Références : l’essentiel du texte est issu de

Henri Lebesgue, Leçons sur les constructions géométriques (1940-1941), réédition J. Gabay (2003) : malgré les critiques acerbes de certains le sujet se développe autour de notions qui apparaissent centrales dans la théorie des Nombres, la géométrie algébrique, etc. Très pédagogique et instructif.

Pour quelques compléments historiques voir

http://coll-ferry-montlucon.pays-allier.com/gdscient.htm

http://www.sciences-en-ligne.com/momo/chronomath/chrono1/Nicomede.html
le traceur de Nicomède :

http://www.mjc-andre.org/pages/amej/edition/9804cube/cubpage3.html