Le théorème de Morley

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En 1898 le mathématicien américain Franck Morley découvre un théorème de géométrie élémentaire que les Grecs n’avaient pas trouvé, chose remarquable en soi…

Dans un triangle ABC, on considère les trissectrices de chaque angle ; elles se coupent alors en plusieurs points dont trois forment un triangle équilatéral.

fig- 1 : trissectrices, th. de Morley

En l’occurrence il s’agit des droites (Ai), (Bi) puis (Bk) et (Ck) enfin (Ch) et (Ah).

Franck Morley avait alors lancé une sorte de concours, demandant la solution la plus élémentaire.

La démonstration peut se faire de plusieurs manières : voir par exemple C. Tisseron, Géométries affine, projective et euclidienne, p. 294 (Hermann, 1983) ainsi que le site

http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/GeoPlane/Classiques/Morley/Morley1.htm

ou encore (en anglais)

http://www.cut-the-knot.com/triangle/Morley/Morley.shtml

Sur la fig. 1 vous voyez la construction ainsi que le lieu des centres de gravité des triangles équilatéraux (ihk) lorsque C parcourt la droite (uv).

Pour ma part je me suis demandé ce qui se passait si au lieu de prendre les trissectrices on prenait les n-sectrices, à savoir les droites partageant un angle en n parties égales… Voici donc la même figure pour n=7 : le triangle (que nous appellerons dorénavant (abc)) n’est plus équilatéral, nous avons néanmoins tracé les lieux des points a, b et c lorsque C parcourt la droite (uv).

Lorsqu’on augmente la valeur de n, les points a, b et c se dirigent tranquillement vers les segments [BC], [AC] et [AB], fournissant alors trois points qui ne dépendent visiblement plus de n. Pouvons nous alors trouver une caractérisation de ces points ?

fig- 2 : 7-sectrices

fig- 3 : 100-sectrices

Pour répondre à la question nous passons par les complexes en nous demandant tout d’abord comment trouver l’affixe w de C connaissant les affixes des deux points A(u) et B(v) ainsi que les angles BAC et ABC. Posons donc

nous avons alors

 ;

par ailleurs les relations métriques dans un triangle nous donnent

d’où nous tirons

Nous avons donc

et par conséquent

 ,

on doit pouvoir faire plus joli, mais pour ce qui nous intéresse ça n’a pas d’importance. Si nous prenons une n-sectrice, les angles sont alors

il nous reste à trouver les limites des termes dans le crochet lorsque t tend vers 0. Il y a plusieurs méthodes, la plus simple étant quand même de se rappeler que

d’où en écrivant

on obtient les limites :

La conclusion est immédiate : le point c est le barycentre de

résultat proprement remarquable ! D’autant plus remarquable qu’il ne fait intervenir ni le sinus ni le cosinus des angles, non plus d’ailleurs que les longueurs des côtés alors que les points classiques dans un triangle les font toujours intervenir (Gergonne, Nagel, Feurebach, etc.).

Sur la figure suivante sont tracés les points a, b et c ainsi que le lieu des points c lorsqu’on fait varier t : quand t=0, c est en u, barycentre de A et ; quand t=1, c est en C, pour certaines valeurs c passe en A ou en B.

fig- 4 : lieu des points c

Le résultat précédent est intéressant puisque valable évidemment pour les deux autres côtés, nous obtenons donc trois points

la symétrie d’écriture et la figure suivante laissent à penser qu’il y a un point fixe entièrement déterminé par les droites (Av), (Bw) et (Cu) :

fig- 5 : le point de Hofstader

Prenons les droites (Av) et (Cu) : un point M sur (Av) sera le barycentre de

tel que

de même un point M sur (Cu) sera tel que

Pour que les deux équations soient vérifiées pour tous les points A, B et C, il faut

donc les deux droites sont sécantes en z, barycentre de

que nous appellerons point de Hofstader du triangle ABC. Il est immédiat que (Bw) passe également par z.

fig- 6 : lieu du point de Hofstader lorsque C parcourt (mn)

Ce point a été découvert il y a peu... c'est un des rares points transcendants dans un triangle ;

voir par exemple

http://www2.evansville.edu/ck6/encyclopedia/part2.html (références X(359) et X(360))

Bref, cherchons la transformation permettant de transformer C en z, ce qui nous permettra d’avoir le lieu de points représenté :

Si nous prenons C sur un cercle dont une corde est [AB], nous avons

 ;

choisissons A à l’origine, B en 1 et passons en polaires :

,

 mais toujours avec les relations métriques :

 donc  ;

utilisons la définition de z comme barycentre :

d’où

 ;

d’où après développement quelque chose de la forme

(à une constante multiplicative près) qui correspond à l’équation d’une cycloïde (dans le cas d’une droite c’est identique puisqu’il suffit alors de faire tendre k vers 0, la solution étant encore plus immédiate).

Dernière remarque pour l’instant : prenons le barycentre g de

c’est à dire de

 ;

nous avons alors

or on peut rajouter

à

sans rien changer, ce qui signifie que g est z

La relation u+v+w caractérise le centre de gravité G du triangle (uvw) ; ces relations doivent sûrement permettre de montrer la propriété qui semble apparaître sur la figure suivante :

fig- 7 : itération du processus

Quand on recommence l’opération de construction, on obtient des triangles ressemblant de plus en plus à un triangle équilatéral et dont le centre semble bien déterminé (ce n'est ni le centre de gravité ni le centre du cercle inscrit).

Voilà tout pour l’instant, il reste de nombreuses questions en suspens : le lien entre les angles de ABC et uvw, entre les longueurs des côtés des triangles, de même on peut certainement trouver des choses intéressantes à partir de la fig. 4, d’autant plus que l’apparition d’un lien entre les sinus et les angles est toujours prometteur… (je pense aux fonctions elliptiques).