Quelques équations fondamentales de la physique

1. Equation de la chaleur dans une barre

Ce problème à partir duquel s’est élaborée la Transformée de Fourier ainsi que la Thermodynamique est fondamental.

Considérons donc une barre homogène de longueur l isolée thermiquement (il n’y a pas de pertes) et où tous les points à une abscisse x ont la même température.

 

Soit u(x, t) la température dans la barre à l’abscisse x à l’instant t ; expérimentalement on s’aperçoit que la température a un flux q (i.e. la quantité de chaleur traversant S) à travers la section transversale d’aire S à l’abscisse x tel que

,

k représente le coefficient de conduction thermique. Prenons un élément de barre compris entre les abscisses x1 et x2 ; la quantité de chaleur passant en x1 pendant le temps dt sera

et en x2 :

.

L’apport de chaleur dans l’élément de barre est alors

Cet apport de chaleur au cours du temps dt est utilisé à l’augmentation de température de l’élément de barre d’une quantité du ; cette augmentation de température dépend de deux paramètres : la densité de la barre  et sa capacité calorifique c. Cette augmentation est également proportionnelle au volume de l’élément : Sdx ; finalement on a

En égalant les deux relations et en simplifiant on a alors l’équation de propagation de la chaleur dans une barre homogène (équation de la chaleur) :

 

avec

  

(a est le coefficient de diffusivité thermique exprimé en m2.s–1).

Ceci est une équation générale qui ne dépend pas des conditions initiales à savoir la température initiale pour un point d’abscisse x de la barre  ainsi que les températures à tout instant aux extrémités de la barre :  et . La résolution pour des conditions aux limites quelconques n’est pas simple… mais comme dans le cas des équations différentielles classiques nous pouvons utiliser la méthode des différences finies (comme la méthode d’Euler) afin d’obtenir des solutions approchées. Pour ce qui est de l’existence de ces solutions elle est assurée en général pour

.

 

2. Résolution par la méthode des différences finies

Nous pouvons considérer que

et

 ;

de même

.

L’équation de la chaleur devient alors

ou encore

Prenons par exemple t=0, au point :  ce qui permet de calculer u(xk) ; mais si on connaît u(x, k) on peut calculer u(x, 2k), etc. On comprend mieux si on considère que la fonction u représente les mailles d’un réseau avec x en abscisse et t en ordonnée 

fig. 1 : Réseau de propagation de la chaleur.

Nous pouvons bien évidemment utiliser Excel pour faire ce calcul… La figure 3 suivante montre la distribution des températures avec un pic initial au bout d’un laps de temps déterminé et une distribution uniforme (T=100) à l’extrémité de la barre. La distribution initiale de température est linéaire dans la barre : elle passe de 0 à T proportionnellement à l’abscisse. Dans la figure 4 la température initiale de la barre est 0, et on augmente la température à 100 sur un laps de temps court à t=0. La température finale est nulle.

fig. 2 : : distribution des températures.

fig. 3 : distribution des températures.

On voit clairement sur les exemples précédents que les conditions aux limites influent grandement sur la distribution et il serait intéressant de voir ce qui se passe lorsque la barre est grande (on considérera qu’elle est infinie), ceci afin de pouvoir gérer le modèle un peu plus efficacement.

 

3. Propagation de la chaleur dans une barre infinie

On garde donc une seule condition initiale, à savoir

,

avec x et t réels quelconques. Appliquons la classique méthode de séparation des variables vue dans l’équation des ondes à l’équation de la chaleur : posons

et remplaçons dans l’équation de la chaleur

 :  et

d’où l’équation

 ;

chacun des rapports ne peut dépendre que de t ou de x, ils sont donc constants. Posons

,

ce qui nous donne les deux équations simples :

d’où

 et

soit

.

 On a pris

car T doit être bornée ainsi que  ; dans le cas contraire T tendrait vers l’infini lorsque t tend vers l’infini… Pour chaque valeur de  possible on obtient une solution, il apert donc qu’en faisant la somme de toutes ces solutions on doit obtenir toutes les solutions (séparables) de l’équation de la chaleur qui est une équation linéaire. On a donc

mais comme  est un paramètre réel il nous faut intégrer :

.

Ca ne s’arrange pas vraiment… on peut quand même remarquer que pour t=0 on connaît u :

,

 ce qui nous fait chaud au cœur…

Peut-être qu’une petite transformée de Fourier (comme il l’a inventée à cette occasion il doit bien y avoir un lien quelque part) sur  nous aiderait… Ecrivons la TF inverse de  :

,

 ah, ah ! le paysage s’éclaircit d’un coup : les coefficients

sont les coefficients de la TF de , à un coefficient près.

On peut donc remplacer

par

d’où

Il s’est passé pas mal de choses : tout d’abord  rentre dans l’intégrale en  puisque c’est une constante pour cette variable ; on inverse ensuite l’ordre d’intégration, il nous reste à préciser I.

Posons

 et  :

 ;

dérivons L :

,

 intégrons par parties en posant

,

soit

,

ce qui nous donne

 ;

 le crochet est nul et l’intégrale restante est L d’où l’équation différentielle

qui se résout en

.

On trouve alors C en faisant

et finalement

.

 Revenons en arrière :

puis

 (1).

Cette équation est l’intégrale de Poisson et donne donc les solutions de l’équation de la chaleur.

Considérons maintenant la fonction

,

alors la fonction

est la solution pour la condition ci-dessus. On a donc

en appliquant le théorème de la moyenne à l’intégrale. La somme des solutions ainsi obtenues donne d’ailleurs la solution (1). Si on considère un élément de barre de longueur dx où se situe une source de chaleur instantanée  et si on note c la capacité calorifique de la substance et  la densité de la barre,  alors la quantité de chaleur dans l’élément sera

d’où la fonction

donne la température en tout point x de la barre à un temps t.

Quelques remarques : est-il vraiment étonnant de retrouver une loi Normale comme solution ? On peut se rappeler ce que nous avons vu sur le mouvement brownien et considérer que la chaleur diffuse à travers des molécules ou des atomes en provoquant des déplacements aléatoires ; nous avons vu dans ce cas que le mouvement des molécules finissait par suivre une loi Normale d’écart-type  n représentait le nombre de coups successifs et donc le temps, ce qui correspond au terme en , finalement tout se tient (voir l’analyse de la diffusion dans J.P. Perez : Thermodynamique).

Autre chose : la formule précédente sous-entend que la distribution de la température se fait instantanément : à x du point de départ vous connaissez la valeur de la température immédiatement… Il est clair que c’est irréaliste ; ceci est dû aux hypothèses de départ où les hypothèses ne tiennent pas compte de ce qui se passe à « grande distance ».

 

4. Equation de la chaleur dans l’espace

Le modèle précédent doit bien sûr se généraliser à l’espace : considérons donc le flux de chaleur à travers un élément de surface ds d’un corps homogène et isotrope ; de même que précédemment nous considérons la variation de flux dans la direction d’ un vecteur normal unitaire n à la surface ds : on a grad u dont les projections dans un repère orthonormé donnent

.

 Par ailleurs le vecteur n s’écrit

dans le repère (ce sont les cosinus directeurs de n), la variation de u dans la direction de n est alors donnée par n.grad u, soit

que nous appelerons « dérivée de u par rapport à n », notée

.

Nous obtenons expérimentalement que la quantité de chaleur débitée par unité de temps à travers ds est :

comme dans le premier modèle, ce qui nous donne

et pendant le temps dt :

.

Dans un petit volume délimité par une surface S cette quantité de chaleur s’écoulant pendant le temps dt sera alors

 ;

 si la chaleur pénètre dans V, V s’échauffe, si elle quitte V, celui-ci se refroidit.

Supposons un petit volume dv s’échauffant pendant un temps dt et dont la température s’élève de du, nous avons alors besoin d’une quantité de chaleur égale à

pour provoquer cet échauffement (mêmes cosntantes que précédemment) ; la quantité globale de chaleur nécessaire est alors

d’où l’équation d’état du volume V :

 (1).

Nous avons vu que si S est la surface enveloppant V, on a

,

 d’où en choisissant A=kgrad :

et l’équation (1) devient

.

Si on considère notre volume V réduit à un point (légèrement étendu quand même) et que u est continue (ce qui n’est absolument pas évident au niveau microscopique), le théorème de la moyenne en ce point nous donne directement que

 pour ce point ; ceci étant valable pour n’importe quel point de l’espace on a une équation générale de diffusion de la chaleur. Transformons notre équation : il est immédiat que div(kA)=kdivA d’où

et l’équation devient

en posant

.

Nous n’avons pas parlé des conditions initiales : il faut bien sûr connaître la température initiale à la surface du corps :

ainsi que les distributions de température pour tout point M de la surface à tout instant (d’autres conditions sont possibles bien sûr). On voit que le problème à résoudre est extrèmement difficile et la solution dans le cas d’une barre infinie est vraiment un résultat remarquable.

 

5. Distribution stationnaire de la température

Regardons ce que donne l’équation précédente dans le cas où la distribution de température ne dépend pas du temps, soit lorsque

 :

 le problème revient donc à résoudre l’équation de Laplace :

pour des conditions aux limites données. Si on connait la distribution de température à la surface du corps :

on résout le problème de Dirichlet, si on connaît le flux de chaleur en tout point de la surface, soit

on résout le problème de Neumann.

 

Résolution du problème de Dirichlet pour un anneau : la température est constante sur des cercles de rayons r1 et r2 où ces constantes valent c1 et c2. Nous allons nous placer en coordonnées cylindriques à l’altitude 0 (z=0) ; nous avons vu le laplacien dans ce cas et l’équation de Laplace donne :

.

Comme la distribution est la même sur les deux cercles,  ne doit pas intervenir dans la solution, il reste donc à résoudre

,

soit l’équation différentielle

,

soit

 

d’où

.

Déterminons nos constantes avec les conditions aux limites :

soit

.

En fait si on prend un cylindre la résolution est identique quelque soit z, la solution est donc valable dans un solide cylindrique creux et homogène, vulgairement appelé tuyau.

fig. 4 : solution de l’équation de Laplace pour un anneau.

Physiquement il y a un problème au centre de l’anneau lorsque r devient nul…

 

Résolution du problème de Dirichlet pour le cercle dans le plan : on se pose donc le même problème pour un cercle unique dans le plan donc pour l’équation de Laplace

avec une distribution

sur le cercle. Nous sommes en polaires, mais  intervient ici car il commande la distribution initiale. En polaire le Laplacien dans le plan donne

 (2).

Reprenons toujours la méthode de séparation des variables :  et en reportant dans (2) :

 en tenant toujours les mêmes raisonnements. On a donc deux équations :

 (3).

Pour la première on obtient classiquement

,

 pour la seconde nous cherchons des solutions de la forme , d’où l’on tire

 ;

 nous avons donc deux solutions linéairement indépendantes et

.

Les solutions sont donc de la forme

 (4);

lorsque  les équations (3) donnent

d’où

.

 Les solutions doivent être périodiques car pour une même valeur de r on doit retrouver la même pour  et  (on est sur un cercle) donc H(0) est nul ; de même la solution doit être finie en r=0 d’où B(0) est nul, ainsi que B en général ; finalement on a

.

Nous reprenons maintenant le même raisonnement que pour la barre infinie, à savoir que la somme des solutions de la forme (4) est encore une solution d’où l’écriture

 (5)

Comme on doit avoir

,

il faut que

,

donc  doit être entier relatif. Par ailleurs sur le cercle on a

.

On voit de nouveau apparaître la série de Fourier (par contre ce coup-ci c’est la série et non la transformée) : supposons que f soit développable en série de Fourier, nous aurons les coefficients sous la forme

.

Remplaçons dans (5) :

d’où en échangeant intégrale et somme (il n’y a pas de problème de convergence si f est développable en série de Fourier) :

or dans le dernier crochet on a les sommes de deux suites géométriques convergentes (les deux modules sont inférieurs à 1) d’où

Nous obtenons donc l’intégrale de Poisson dont on montre que si f est continue alors la fonction u trouvée vérifie l’équation (2).

Deux petites remarques : le fait de n’utiliser que des exponentielles complexes dans tous les calculs précédents les rend beaucoup plus faciles à écrire que lorsque l’on passe uniquement par les réels… Par ailleurs le problème est tout à fait similaire au cas de la barre infinie et on pourrait se demander si en utilisant une inversion on ne pourrait pas obtenir le résultat précédent beaucoup plus vite ? Je n’ai pas la réponse, mais je la chercherai.

Les figures suivantes montrent l’évolution de la température où la fonction f est constituée de fonctions de Dirac (des fonctions qui prennent une valeur donnée sur un intervalle très court, ce qui donne les pics).

fig. 5 : Un Dirac de 10 en 0.

fig. 6 : Deux Dirac de 10 écartés de .

fig. 7 : Le même mais en lignes de niveau.

fig. 8 : Trois Dirac en fausses couleurs.

 

6. Résolution dans le plan par les différences finies

Nous allons essayer de résoudre le problème comme nous l’avons fait précédemment en discrétisant l’équation de Laplace : nous nous plaçons dans le plan, mais on peut faire la même chose dans l’espace.

Nous avons dit que

,

de même

,

 et l’équation peut être approchée par

 (1)

ce que l’on peut visualiser par le réseau suivant :

Le bord est représenté ici par un contour polygonal (C) assimilable à la courbe à l’intérieur de laquelle on résout l’équation. Remarquons que lorsque le point u(x, y) est proche du bord il y aura une ou plusieurs valeurs dans (1) qui seront connues, par conséquent s’il y a N nœuds dans la grille on aura un système de N équations à N inconnues à résoudre… On montre sans trop de mal que ce système a effectivement une solution et même qu’elle est unique, la méthode semble donc correcte.

Il est difficile de faire la résolution numérique avec Excel, vu le nombre de paramètres en jeu et de contrôles à effectuer, il n’empèche qu’en essayant la chose suivante s’est produite…

02

46

1224

4896

fig. 9 : équation de Laplace dans le plan.

En prenant une courbe (ici une parabole) ainsi que quelques points sur la courbe auxquels ont été attribués une valeur aléatoire (1ère figure) et en faisant ce qui a été dit précédemment par itérations successives (le nombre d’itérations est à droite de chaque figure), voici ce qu’on obtient ; par ailleurs la quantité de « matériau » reste à peu près constante au début puis diminue au cours du temps (il y a des pertes sur les bords) d’où conservation de l’énergie dans le cas de la chaleur par exemple. Il serait certainement intéressant de regarder la baisse de niveau à chaque itération (j’ai fait quelques essais mais peu concluants, de plus ça change avec la forme de la courbe : ça descend plus ou moins en 1/n). Quand on fait le même essai en étant plus strict sur les bords (on interdit à de la matière de sortir de la figure), voici le résulat :

2040

80160

fig. 10 : équation de Laplace dans le plan sans pertes.

Il faut beaucoup plus d’itérations pour arriver à un résultat similaire et la forme reste stable nettement plus longtemps. On voit clairement que les phénomènes de bord jouent un rôle fondamental.

 

7. Quelques questions conduisant à une équation de Laplace

Les fonctions vérifiant l’équation de Laplace sont appelées fonctions harmoniques ; les fonctions holomorphes dans  sont harmoniques à cause des conditions de Cauchy-Riemann.

 

Potentiel électrostatique : supposons qu’un courant électrique traverse un volume V homogène, isotrope et ne contenant pas de source de courant, la densité de courant en chaque point est donnée par le vecteur

et si ce dernier ne dépend pas du temps (courant stationnaire par exemple), le flux du vecteur E à travers une surface S située à l’intérieur de V est nul : imaginez le courant rentrant par une face d’un volume, comme le flux est calculé par rapport à la normale extérieure, il aura un signe, par exemple – ; le même courant ressortira par la face opposée où la normale est orientée dans l’autre sens, comme il n’y a pas de charges à l’intérieur du volume le courant reste le même en module, mais à la sortie il change de signe ; conclusion le flux total est nul. On peut raffiner la démonstration, mais l’essentiel reste. Le flux de E est

 d’où divE=0.

Que se passe-t’il si V contient une charge q ? D’après la loi de Coulomb on sait qu ‘à la distance r la charge q génère un champ d’intensité

 ;

si cette charge est enfermée dans une sphère de rayon r, le flux à travers la sphère et dans toutes les directions est j, par conséquent le flux total est j multiplié par la surface de la sphère,  d’où un flux de

se rajoutant à un flux nul. Le raisonnement tenu ici est valable dans le cas où V contient plusieurs charges, aussi on a finalement

.

Considérons donc notre volume qui contient une densité  de charges électriques par unité de volume, on peut considérer alors que la charge intérieure est

d’où

.

C’est la première équation de Maxwell.

Par ailleurs nous considérons ici un processus stationnaire donc de rotationnel nul : rotE=0 (deuxième équation de Maxwell), et comme l’espace euclidien est simplement connexe, nous pouvons affirmer que E est le gradient d’une fonction scalaire  : E=grad .

En combinant les deux équations on a

,

équation de Poisson, qui donne l’équation de Laplace dans le cas où il n’y a pas de charge.

 

Flux potentiel d’un liquide ou d’un gaz : à l’intérieur d’un volume  limité par une surface  (éventuellement illimitée) se produit l’écoulement d’un liquide. Soit  la densité du liquide et v la vitesse du liquide :

.

Soit  un petit élément de volume limité par une surface S ; par chaque élément ds de S passe au cours du temps dt une quantité de liquide

n est la normale extérieure à S. La quantité totale de liquide pénétrant dans  ou s’écoulant de  est alors

 (1).

A l’instant t la quantité de liquide dans  était

 ;

par suite de la variation de densité dans , au cours du temps dt la quantité de liquide variera de

 (2).

Si nous supposons que  ne recèle pas de sources, les deux quantités précédentes sont égales mais de signes opposées : si il rentre du liquide v est opposé à n (signe – dans (1)) et la densité augmente (signe + dans (2)) d’où

,

le volume  ayant été pris arbitrairement, la relation est valable pour tout point de l’espace d’où l’équation de continuité d’écoulement d’un fluide compressible :

.

Dans certaines situations comme par exemple pour un gaz diffusant à travers une membrane sous l’effet d’une pression extérieure ou lors de l’écoulement d’un liquide à travers un terrain poreux, on peut considérer que la vitesse d’écoulement est proportionnelle à la pression, soit par exemple

p est la pression et k le coefficient de perméabilité. On a alors

et l’équation devient

,

soit

.

Si le fluide est incompressible, on a

 et

et notre équation est « simplement div v=0 ; si la vitesse est potentielle on retrouve

avec

(cas de la filtration par exemple).